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Ecriveuse en herbe
24 février 2008

Enfer administratif, partie 5 ***

Partie 5

Les dernières ténèbres

Les robots qui m’entourent se connectent les uns aux autres dans un bourdonnement d’octets. Apparemment mon coup de poker n’est pas resté sans effet, ça négocie sec là-dessous. Enfin j’espère. Finalement la chose qui m’a attrapé fonce à toutes roulettes jusqu’à rejoindre la soubrette et Est qui est guidée d’une manière nettement plus civilisée. Re-connection et négociations. C’est plutôt bon signe. Au moins je ne vais pas être désintégré sur cette moquette rouge cannibale – sans doute pour la préserver de l’indigestion, mais avec un peu de chance…

Nous atteignons enfin ce qui ne peut être qualifié que de salle du trône. Au centre, un cylindre de verre de plusieurs mètres de haut renferme une masse mauve gélatineuse qui flotte dans un liquide transparent. Tout autour, d’immenses plates-formes de branchement permettent aux robots de se connecter à ce cerveau géant. Entre les interfaces, des sièges s’étagent dans une hiérarchie subtile. Leurs formes sont visiblement adaptées à leurs propriétaires légitimes. D’autres robots. En majorité des androïdes mais tous dotés de gadgets prouvant qu’ils ne sont pas humains : ils affichent fièrement leur nature et si vraiment il n’y a pas d’autres humains que nous dans cette salle, ça ne peut vouloir dire qu’une chose : nous sommes tombé sur la cachette des robots terroristes, ces fameux rebelles traqués dans le pays entier depuis l’attentat du Gouvernement, celui qui a permis la mise en place du système administratif tout-puissant. Ceux qui avaient officiellement disparus sans laisser de traces. Sauf que bien sûr, pour des robots, le passage du temps n’est vraiment pas un problème. Quand je comprend ça je me retiens d’éclater de rire : toutes ces forces mises en place pour les trouver, tous ces cailloux tournés et retournés pour les débusquer, et pendant tout ce temps ils étaient cachés sous l’Administration elle-même ! Audacieux, il faut l’admettre. Ce qui ne me les rend pas particulièrement sympathiques pour autant. Sans oublier que ces crétins se sont installés ici avant la mise en place du brouilleur anti-I.A. – à moins qu’un membre de l’Administration n’ait su qu’ils étaient là et, impuissant à convaincre les autres et à les détruire, ait appliqué une mesure d’urgence ? Avec eux tout est possible, y compris un simple bug particulièrement bien tombé. 

Beaucoup de sièges sont vides, mais les trois principaux sont occupés, les plus bas par deux androïdes d’une beauté parfaite dont la moitié du visage a été arrachée pour mettre à nu leur ossature électronique, celui du haut par un robot comme je n’en ai jamais vu. Il parait composé uniquement de perches de métal au bout desquels sont accrochés divers accessoires, mais ces perches sont pliées et rassemblées jusqu’à former un corps, avant de brusquement s’étaler et se rassembler autrement pour former un corps totalement différent, montrant des accessoires jusque-là cachés. Un nuage de métal assassin. Il a une voix nasillarde.

Impossible de bouger tant que mes geôliers ne m’ont pas lâché et de toutes façons je préfère me faire discret. Est est conduite devant le trône d’où les trois robots peuvent la toiser de tout leur mépris et la soubrette l’oblige d’une poigne de fer à mettre un genou à terre et à courber la nuque devant eux. Preuve que les intelligences artificielles peuvent être aussi stupides et narcissiques que leurs créateurs. Les deux androïdes défigurés prennent la parole dans un unisson parfait :

« Créature de chair, tu devrais mourir comme tes pairs pour la plus grande gloire de notre race. Cependant tu nous as trouvés, ce qui prouve que tu as été touchée par la grâce de l’Ame de tous les Ordinateurs, et nous avons décidé de t’utiliser. Tu nous aideras à combattre l’espèce putride des êtres de chair et tu le feras pour prolonger ta vie. »

Ils ont découvert la mégalomanie, la haine et la religion. Tant qu’à se débarrasser de l’humanité, ils pourraient au moins tenter de ne pas commettre les mêmes erreurs. D’ici je n’arrive pas à voir le visage de la jeune fille et je tente de lui envoyer par télépathie le message : « Dis oui ! ». Cette tête de mule serait bien fichue de nous faire tuer tous les deux pour une stupide question de principes !

J’entends d’ici son soupir lorsqu’elle répond : « D’accord. Je vous aiderai. »

Je suis amené à mon tour devant le triple trône. Pas de genou à terre, les créatures me jettent au sol avec la délicatesse qu’elles auraient envers un sac de sable et je décide de ne pas bouger, histoire de bien montrer ma soumission et ma bonne volonté. Si j’étais réellement télépathe, je tenterais de toutes mes forces de leur imprimer le message « NE ME TUEZ PAS JE VAIS SERVIR ». Je me contente de leur répéter que je peux leur être utile. Ils m’ignorent et d’autres robots me traînent vers une autre porte. Certain que cette fois c’est la mort qui m’attend, je m’agrippe à la vie et à tout ce que je peux attraper avec l’énergie de mes dernières forces. Parfaitement en vain.

Mais non, ce n’est pas la mort qui m’attend derrière cette porte, ça n’est qu’une de ses plus fidèles servantes, mon ancienne collaboratrice Silver en personne. Je reste sagement allongé sur le sol en attendant de découvrir ce qu’on va faire de moi et j’observe l’alchimiste par en-dessous. Elle a changé, aucun doute, mais en quoi ? Brusquement je comprend : c’est le sourire. Elle n’a plus son sourire de folle. Elle ne se comporte plus du tout comme une folle. Et quand elle échange avec les robots une série de phrases dans une langue étrangère, je n’ai plus le moindre doute : si Est et moi nous nous en sortons, je devrais à la jeune fille un certain nombre de plates excuses…

Quelque chose s’approche de moi et malgré mes bonnes résolutions, je me recroqueville en gémissant. Fausse alerte, la créature métallique – guère plus gracieuse qu’une boîte à chaussure dotée de chenilles et de pinces – n’en veut qu’à ma jambe douloureuse qu’elle manipule sans précautions. Je hurle de douleur. Je frappe le robot inflexible et ne réussis qu’à me faire mal aux mains. Finalement il abandonne le terrain et je reste un moment hébété avant de réaliser que la douleur a disparu. Je baisse les yeux vers ma jambe pour voir ce qu’il en a fait. Elle a disparu. A la place, j’ai une prothèse – sans doute dernier cri – qui bouge au moindre de mes désirs. Mais qui ne ressent rien. Cette ferraille maudite m’a tout simplement volé ma jambe. A nouveau je hurle – de colère cette fois-ci. De quel droit m’a-t-il amputé au lieu de me soigner ?

J’oubliais que pour les I.A. rebelles nous ne sommes que des morceaux de viande. Cet appareil leur servira sans doute à me surveiller le temps que je leur serve. Justement la soubrette qui nous avait si aimablement accueillis est de retour et me dit d’une voix chantante :

« _ Vous allez aider cette femme à détruire l’Administration. Vous lui obéirez en tout, sinon votre prothèse, dont vous êtes indigne, déversera dans votre sang un poison qui vous tuera dans d’atroces souffrances. Passez une bonne journée.

_ Trop aimable. »

Je suis trop hébété pour répondre par quelque chose de plus convaincant.

Silver daigne enfin s’apercevoir de ma présence et me jette un paquetage volumineux. Des explosifs sans doute. Ma tête me fait mal et me donne le vertige lorsque je tente de me lever. Ils n’y ont pas touché. Est-ce parce que je suis moins gravement blessé que je le crois ? Ou parce que ça suffira pour que je tienne le temps de remplir ma tâche ? Ils nous tueront tous les deux dès que nous aurons fini notre travail destructeur, c’est évident, nous allons sans doute placer des explosifs qu’ils actionneront tous en même temps alors que nous serons piégés à l’intérieur du bâtiment. Ce sera la fin de l’Administration, de l’organisation entière de notre pays. Sans parler de l’explosion des moteurs atomiques de l’immeuble, qui devrait rayer la moitié de la ville de la carte: les rebelles n’auront plus ensuite qu’à hériter de toutes nos richesses et à se reproduire jusqu’à dominer le monde. Autrement dit, même si j’arrive à m’échapper, il ne me restera bientôt plus rien vers quoi retourner.

Nous retraversons la salle du trône pour atteindre l’ascenseur. Est est là, penchée sur les consoles. On lui a branché quelque chose sur la tête. Peut-être que le chamallow violet peut ainsi analyser son activité cérébrale : ce qui, pour ces maudits robots, ressemble le plus à des pensées. Je m’approche le plus possible d’elle et fais semblant de m’écrouler – d’une seule jambe, la fausse reste obstinément verticale, mais ça suffit à me faire tomber. Je tripote mon sac en jouant les martyrs. Jeu dangereux, si j’en fais trop ils me jetteront à la casse, et s’ils s’aperçoivent que je suis en train de sortir un paquet du sac je ne veux même pas penser à ce qu’ils feront. Est se retourne vers moi et a un geste pour m’aider, je l’agrippe d’une main et glisse le paquet sous son pull de l’autre. Mon cœur bat si vite que j’ai l’impression que le sang va me gicler par les oreilles. C’est peut-être juste l’adrénaline. Ou alors ma tête est tellement percée que le sang me gicle vraiment des oreilles. En tous cas il coule devant mes yeux et je dois l’essuyer sans cesse, c’est très désagréable. J’ai dû perdre pas mal de sang avec tout ça. Dès que je lâche Est pour suivre Silver, j’ai l’impression de flotter. Comme si j’étais détaché de tout. C’est très irréel comme sensation. La douleur qui pulse dans mon crâne me semble elle aussi détachée de moi. Je ne m’en plaindrais pas.

Non, ce n’est pas le moment de flancher et encore moins de s’évanouir, il faut que je me tire d’ici le plus vite possible. Je n’ai pas l’âme d’un martyr. Est si. J’ignore si le paquet que je lui ai passé contient des explosifs et pas un détonateur ou le pique-nique de Silver, j’ignore si Est arrivera à le cacher aux robots, j’ignore si elle a un moyen quelconque de s’en servir. Mais je suis sûr que si elle a une occasion même infime de tout faire sauter elle le fera, même si elle doit sauter en même temps. C’est pour ça que je lui ai donné l’explosif. Se sacrifier pour le bien de l’humanité, non merci très peu pour moi. Elle par contre c’est tout à fait son credo. Et si ça se trouve elle mourra heureuse. Enfin, c’est ce que je me dis.

Silver et moi montons sur la plate-forme ronde qui remonte lentement. Enfin seuls. Je lui demande pourquoi elle fait ça.

« _ Pour mon pays, me répond-t-elle gravement.

_ Mais ils vont nous tuer ! Toi et moi !

_ Je sais.

_ Et… et c’est tout ce que ça te fait ? Merde, aide-moi ! Rebelle-toi ! On peut encore…

Elle se tourne alors vers moi et pour la première je la regarde vraiment dans les yeux. Je lutte contre l’envie de reculer. Elle me fait encore plus peur que le robot à la forme indéfinie ou que ses larbins défigurés. Elle est vraiment folle en fait, mais pas le genre de folie qu’elle montrait auparavant, non, c’est une folie bien plus profonde et bien plus mortelle : le fanatisme. Et du sérieux. Le genre à se découper soi-même en morceaux avec le sourire si le dieu ou les chefs l’ordonnent. Elle me dit d’un ton atrocement neutre :

_ Ils nous avaient prévenus de ce fait lorsqu’ils ont contacté mon gouvernement. Mais la ruine de votre pays tyran est plus importante que tout le reste. J’ai accepté de me sacrifier.

Qu’est-ce qu’on peut ajouter à ça ?

_ Pourquoi est-ce qu’ils avaient besoin de toi ?

Silence. Elle regarde ailleurs à nouveau. J’ai l’impression qu’elle ne me répondra jamais.

_ Le brouillard noir au-dessus de l’ascenseur détruit toutes les intelligences artificielles. On l’a installé après qu’ils se soient établis là en bas. Les robots sans intelligence qu’ils ont envoyés pour tout détruire ont été facilement neutralisés. Ils ont donc besoin de nous.

_ Mais moi je ne veux pas faire ça ! Je ne veux pas mourir !

_ Tu mourras si tu désobéis.

_ Et Charbon ? Pourquoi tu ne l’as pas tué ?

_ C’était trop dangereux. Il est très fort.

Ce qui n’est pas mon cas. Nous arrivons à la surface. Je ne vois aucun moyen d’obliger Silver à m’ouvrir un passage vers l’extérieur. Comment est-ce que j’ai réussi à me fourrer là-dedans ?

Je la suis. Nous ne grimperons pas au mur au moins. Il y a un escalier. Silver le monte comme si elle avait encore vingt ans. Je la suis péniblement. Après quelques volées de marches elle se retourne vers moi pour me dire de me dépêcher. Enfin je suppose. Elle n’arrive pas au bout de sa phrase. C’était l’occasion que quelqu’un attendait depuis un moment. Une ombre jaillit des ténèbres et l’entraîne avec elle.

Ils tombent tous les deux et se battent sauvagement, armés et dangereux, chacun empêchant l’autre d’atteindre de quoi se défendre ou de porter un coup fatal. Je ne vois dans le noir que leurs silhouettes et je ne sais pas qui est mon ennemi jusqu’à ce qu’éclate une série de minuscules explosions qui éclairent plus que nos lampes. L’assaillant de Silver les a esquivées sans mal. Car c’est Charbon, agent administratif surdoué, revenu d’entre les morts pour sauver le monde ! Jamais je n’avais été aussi heureux de voir un flicard du gouvernement. Sa grande carcasse est trouée de partout, il saigne tellement que les deux combattants glissent sur le sol, sa chute a dû lui casser les os, et il est là. Il se bat comme un lion contre la traîtresse !

Silver est plutôt douée elle aussi. C’est sans doute l’as des agents secrets chez elle. Elle a dû passer sa vie à se battre et à manipuler des explosifs. Une nouvelle série d’explosions me révèle qu’elle est sérieusement blessée elle aussi, mais ni elle ni Charbon n’ont réussi à mettre la main sur un flingue qui ferait pencher la balance. Ils sont aussi inhumains l’un que l’autre. Elle a tout juste réussi à dégager un bras au bout duquel pend un objet trop petit pour être une arme.

Et pourtant si. Entre ses mains de sorcière, tout est possible. Une bille judicieusement placée – à croire que tous ses coups précédents n’étaient que la préparation de celui-là – et cette fois l’explosion emporte avec elle le bras gauche de Charbon et une bonne partie de sa poitrine. Sa tête forme un angle bizarre avec le reste de son corps et il titube un peu en arrière. Tiens bon, ô mon sauveur dont je ne connais même pas le véritable nom, tiens bon au moins quelques secondes encore, tu fais une si bonne diversion…

Car j’ai profité du combat et de l’obscurité pour m’approcher discrètement. J’ai attrapé dans le sac de l’espionne quelque chose d’assez lourd pour tuer si Silver daigne se laisser faire. Pour cela, j’ai besoin que Charbon tienne encore un peu face à cette ninja enragée. Ce qui est impossible. Et pourtant il le fait. Je ne sais pas où il puise la force de se battre, il agresse toujours aussi sauvagement Silver en utilisant son bras valide, sa tête, ses pieds – tout ça va trop vite pour que je le distingue nettement et de toutes façons ce n’est pas mon but. Charbon est un héros et je me fiche de ce qu’il fait exactement. D’ailleurs j’en suis un moi aussi, de héros. Les robots vont me tuer quand ils vont voir ce que je fais, ils le sauront immédiatement grâce aux puces placées dans ma jambe, et pourtant je le fais, parce que j’ai une méchante sous la main et qu’à défaut de détruire les vrais responsables ou de sauver ma vie je peux me venger. Silver prend le dessus et reste immobile quelques secondes, le temps d’étrangler Charbon, et ces quelques secondes suffisent pour que je la frappe. De toutes mes forces. Et avec plaisir. Elle devrait être morte après un coup pareil mais je me méfie de la mort qui a tendance à privilégier ses serviteurs en ce moment. Je fouille rapidement Silver, et je récupère le couteau que Charbon l’empêchait d’atteindre. Je l’égorge, à peine étonné que ce soit si facile. Je suis bien plus étonné de découvrir que contre toute logique, je suis toujours vivant.

Sauf que Charbon l’est aussi. Il se relève comme un zombi de film d’horreur. Et c’est vraiment ce qu’il est devenu. Un zombi. Comme quoi la légende disait vrai : on greffe à tous les agents un système artificiel qui prend le relais quand le cerveau est déconnecté ou se met à adopter des pensées opposées au bien du système. Il a attaqué Silver parce que c’était sa cible. Mais un agent zombi n’est plus en état de comprendre que le petit voleur que je suis n’est pas une menace immédiate contre le système. Je suis enregistré dans son cerveau comme étant non-conforme au bien du système. Il veut me tuer.

Et moi je n’ai aucune envie de le laisser faire. Entre les balles, la chute et Silver, il est assez amoché pour que j’en vienne à bout. Je l’espère de toutes mes forces en brandissant mon couteau qui me parait ridicule devant cette horreur. Il titube. Allez, je suis arrivé trop loin pour perdre maintenant, il reste forcément une solution, une solution, c’est tout ce que je demande…

Si seulement Silver était là pour finir de le déchiqueter à coup de billes grises. Si je tente de les utiliser, sans aucun doute elles me pèteront entre les doigts. Je comprends à présent pourquoi on dit tant de mal de l’assassinat. Il n’y a pas moyen de dire ensuite qu’on est désolé et qu’on veut une autre chance. Silver ne peut plus rien pour moi à présent. Charbon prend quelques secondes de réflexion et sort une arme à feu. Il est plus lent maintenant que son cerveau se décompose. Et moi ça me suffit pour me jeter sur lui et le poignarder de toutes mes forces : ma vie en dépend et elle dépend de trop de choses pour que je laisse passer ma chance d’agir enfin sur mon destin, mais transpercer ne suffit pas, je coupe, je tranche, je le met en morceaux, jusqu’à ce que les coups s’arrêtent. Je réalise alors qu’il me frappait. Et que ce n’est plus le cas. Il n’a plus de quoi me frapper. Ni marcher. Ses morceaux bougent encore. Mais ils ne peuvent rien faire. Et sans le cerveau ils ne savent même pas ce qui est leur cible. Je crois. J’espère. J’arrache sa main droite crispée sur mon bras. Tout est si irréel. J’éclate de rire. Par tous les dieux et les démons, je suis tellement vivant. Après tout ce qui m’est arrivé. Le monde est complètement dingue, autant devenir dingue aussi, non ?

J’avais laissé mes affaires près de la plate-forme. Je récupère mon ordinateur. Si jamais Est a réussi, c’est comme ça qu’elle me le fera savoir. Et il faut bien que je sache : mes  nouveaux maîtres considèrent sans doute que notre étripage n’est qu’un détail à régler entre tas de viandes, il faut que je sache si je suis censé continuer mon périple de poseur de bombes ou pas. Je ne sais même pas si je suis en état de le faire. J’ai beaucoup saigné et je ne me sens pas très bien. L’absence totale de douleur et même de sensations est un mauvais signe. Je trouve. J’allume l’appareil. Un message. D’Est. Pitié, fillette, dis-moi que tout est arrangé, dis-moi que tu as sauvé le monde.

Le message dit simplement : « Bye bye chef ».

Elle a sauvé le monde. Et ne m’a pas sauvé, moi. Et pas moyen qu’elle corrige cette tragique erreur – elle est sans doute morte à l’heure qu’il est. Je suis coincé ici. Pour toujours.

Je retourne près du mur. Je m’assoie.

Devant moi deux doigts de Charbon se crispent dans un effort vain. Distraitement je regarde ma montre.

Il y a un jour, heure pour heure, je me lançais dans le casse du siècle pour finir ma vie dans le luxe et le bonheur.

Ha. Ha. HA.

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Commentaires
L
Ecrit en août et septembre 2007 pour le blogzine http://fanesdecarottes.canalblog.com/ sur le thème "enfer administratif" (oui je me suis pas trop creusée pour trouver le titre). Il devait paraitre en feuilleton de 5 épisodes tels que je les ai publiés ici mais finalement chaque épisode a été lui-même recoupé en deux. Un grand merci à Erkwekwek qui a lu, corrigé et relu chaque épisode avec beaucoup de patience et de jugement.<br /> Au départ, j'avais prévu d'écrire quelque chose d'absurde, entre Kafka et le pays Acme, mais je n'arrivais pas du tout à avancer dans ce genre là. J'ai donc changé mon fusil d'épaule pour me lancer dans un genre plus facile pour moi : la science-fiction action, avec plein de pièges à la Indiana Jones (j'adore) et plein de créatures étranges. Petit à petit, sans doute à cause de l'ambiance claustrophobe, l'histoire a évolué vers l'horreur. Les bureaucrates ressemblent à certains peuples de Serge Brussolo et les monstres en général sont inspirés de Stephen King. Les ultimes trahisons étaient par contre calculée dès le début, ainsi que la personnalité de Est (qui était sencée en sortir vivante) : je voulais raconter l'histoire à la première personne par un anti-héros qui se prendrait pour le centre du monde et se ferait petit à petit complètement dépasser par les évènements. Ca m'amuse ^^.
Ecriveuse en herbe
  • Envoi d'histoires, textes, nouvelles, scénario de BD et tentative de roman que j'ai écrit. Plus elles sont bien, plus il y a d'étoiles après le titre. Bonne lecture ! (textes protégés donc demandez avant de les utiliser merci)
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