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Ecriveuse en herbe
15 décembre 2006

Description personnage **

Description personnage

L’ogresse s’approchait de la mythique Erymanthe. Une pluie froide plaquait ses cheveux sombres sur son crâne et trempait consciencieusement ses vêtements, ou plutôt son vêtement : elle ne portait qu’une longue pièce de tissu enroulée maladroitement, que les grecs prenaient pour une toge romaine. Enfin, ceux qui se souciaient de sa tenue. D’où son surnom auprès des survivants : la Romaine.

Elle portait, posée nonchalamment sur l’épaule, une énorme massue hérissée de pics d’or. Enfin, énorme par rapport à un être humain normal, bien sûr. Entre ses mains de géante, l’arme ressemblait à une simple matraque.

Sur l’autre épaule reposait un lourd sac de cuir, brodé de symboles mystérieux issus de toutes les cultures du monde antique. La Romaine, qui n’était pas romaine, avait beaucoup voyagé, et généralement pieds nus, comme aujourd’hui où une boue épaisse lui collait aux talons.

La pluie se changea en orage, et c’est sur fond d’éclair et d’effroi que l’ogresse frappa à la porte de la plus belle maison de la ville. Un esclave ouvrit, de plus en plus lentement à mesure qu’il voyait mieux l’étrange apparition qui lui faisait face.

La femme était immense et paraissait taillée dans la pierre. Sa peau était grise, ses yeux noirs étroits et sa bouche trop grande lui donnait une expression de stupidité. A part le fait que ses dents, longues et d’un blanc pur, étaient taillées en pointes. Elle était très musclée et portait de minces cicatrices sur ses bras nus. Elle respirait doucement, mais ce simple mouvement ressemblait à une menace. Peut-être à cause de la massue. Peut-être à cause des lueurs inquiétantes que faisaient les éclairs sur sa longue chevelure, ramassée que le côté, qui faisait penser à un serpent endormi. Peut-être parce qu’en remontant suffisamment les yeux, on pouvait croiser son regard et le regretter amèrement…

Mais l’esclave ne remonta pas jusqu’à son regard. Il s’apprêtait à refermer la porte quand l’ogresse, d’un geste trop rapide pour que l’œil le suive, bloqua le battant. Elle resta là, sans bouger, regardant le malheureux de ses petits yeux aussi profonds que les entrailles des Enfers. Il ne pouvait ni décoincer la porte, ni repousser la Romaine. Il se résolu donc à aller chercher le maître de la maison, qui bien sûr était chez lui par un temps pareil. L’ogresse lui emboîta le pas, et claqua négligemment la porte qui se brisa, laissant entrer la pluie. L’esclave se mit à courir, mais l’ogresse le suivit sans avoir apparemment besoin d’allonger le pas. Une fois dans la grande salle, elle s’arrêta près du feu, posa sa massue et son sac qui fit trembler le sol, et tordit ses cheveux et son vêtement : elle fut bientôt environnée d’une magnifique flaque, qui au moins rinça ses pieds boueux.

Ceux qui étaient déjà dans la salle fuirent. Le maître des lieux, l’homme le plus puissant d’Erymanthe, entra. Il était trop fier pour montrer sa peur. D’un geste, il lui fit signe de s’asseoir. Très naturellement, la femme prit le coussin d’un magnifique siège, le posa par terre et s’installa dessus. Elle ne pouvait tolérer le ridicule d’écraser un siège sous son poids. Le paiement qu’on lui ferait dépendait en grande partie de la première impression qu’elle donnait.

Le maître d’Erymanthe était prêt à tout pour augmenter encore sa puissance. Y compris à créer un monstre mythique, que lui seul pourrait terrasser. Même si il fallait pour ça engager la plus redoutable des sorcières, celle que même les dieux refusaient de pourchasser, celle que les morts maudissaient en vain. Même si il fallait la payer en chair humaine.

Jamais l’ogresse, malgré toute son intelligence et son talent, n’aurait put devenir aussi puissante sans l’ambition humaine.

Ils conclurent leur marché, puis le maître fit battre son esclave pour être sûr qu’il ne raconte à personne ce qu’il avait vu. Enfin, une fois le monstre légendaire créé (un sanglier cette fois, un sort facile pour la magicienne), elle reçut son tribu : les trois plus jeunes enfants de son commanditaire.

Il faisait beau quand ils repartirent. Ils marchèrent longtemps. Effrayés au début, les enfants finirent par s’habituer à l’ogresse, qui était très douce avec eux et leur racontait des histoires magnifiques. Elle était compréhensive et patiente, pleine d’humour, et aucun d’entre eux ne remarqua que jamais son rire n’arrivai jusqu’à ses yeux. Un matin ils embarquèrent pour une île cachée, où vivaient tous ceux que la sorcière avait un jour reçu en paiement. Car non, elle ne les dévorait pas. Elle le laissait croire, pour rajouter à son aura d’horreur et augmenter ses prix. Elle tentait de créer un monde moins cruel. Quand à ses clients… il leur était souvent difficile de se débarrasser de ce qu’ils avaient si chèrement payé…

Elle avait créé son propre royaume et l’administrait avec sagesse. Tout en empêchant son peuple de partir. Et tous ceux qui la connaissaient ou croyaient la connaître se demandaient : pourquoi ?

Et à ceux qui lui posaient la question, elle répondait : pourquoi pas ?

FIN

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Commentaires
L
Ecrit en décembre 2006 pour Deslyres : il fallait décrire un personnage arrivant à Erymanthe, puis on mettrait nos personnages en communs pour les faire interagir les uns avec les autres... Si ça se fait un jour, le résultat sera sur le blog de Deslyres (dans les liens à droite). En fait, même si j'ai beaucoup décrit, j'ai fait une véritable histoire autour de cette femme, que du coup je poste telle quelle. Je ne connais pas vraiment la cause de ses actes, mais elle non plus, donc c'est normal.
Ecriveuse en herbe
  • Envoi d'histoires, textes, nouvelles, scénario de BD et tentative de roman que j'ai écrit. Plus elles sont bien, plus il y a d'étoiles après le titre. Bonne lecture ! (textes protégés donc demandez avant de les utiliser merci)
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