Encore la fin du monde **
Encore la fin du monde
Pour ses créatures, il était Dieu. Le seul, le vrai, l’unique.
Pour les autres gens, il était personne.
D’où l’intérêt d’être Dieu. Qui peut résister au pouvoir absolu quand il vit en faisant la manche ?
Tous ceux qui pensent que c’est de la connerie et que les créatures ne sont pas réelles. Evidemment. Le petit homme s’en fichait. Il préférait créer son monde, le regarder évoluer, changer des choses ici et là, plutôt que de se griller les neurones avec de l’alcool bon marché. Ou avec de la drogue. Il avait essayé la cocaïne, quand il était un jeune requin branché et assoiffé de sang. Déjà à l’époque il voulait être Dieu.
Et c’était dans la rue qu’il avait réalisé son rêve.
Dans son monde à lui, les choses ressemblaient beaucoup au monde qu’il subissait. A part bien sûr que c’était lui qui tirait toutes les ficelles, et qu’on lui rendait un culte. Pas besoin de convertir les gens, il suffisait de vouloir qu’ils aient la foi, et aussitôt ils l’avaient.
Et dans les deux mondes (le monde dans sa tête et le monde dehors), les choses allaient de pire en pire. Le petit homme a été volé, puis battu, puis re-volé. Et dans son monde, les gens se préparaient à la guerre la plus atroce, pris d’une folie meurtrière. Il avait suffit de si peu de choses. Neutraliser les rouages censés arranger les choses. Décider que les mensonges prendraient, et que ceux chez qui ça ne marcherai pas ne convaincraient jamais les autres.
Et le monde avait connu sa Troisième Guerre Mondiale, la pire des pires. Aucune horreur ne fut épargnée.
Pris de dégoût devant son œuvre, le Dieu n’eut même pas envie de se fatiguer à arranger les choses. Faut dire qu’il était à l’hôpital avec le sida. Son monde était tellement en l’air qu’il ne pouvait plus mettre dedans tous ceux qu’il rencontrait et voulait manipuler. Il avait trop de temps et rien à faire à part crever. Il décida d’oublier son monde pourrit, et d’en faire un mieux – un monde impossible où tout va bien, où peut-être il irait un de ces quatre… un petit bout de paradis. C’était mieux.
fin