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Ecriveuse en herbe
2 décembre 2006

La fille des lianes **

La fille des lianes

Il était une fois une enfant née dans les bois. Elle était fille de deux arbres, très grands et très nobles, qui malgré son apparence humaine aimaient beaucoup leur petite dryade, et veillaient à ce qu’elle pousse bien. Ainsi grandi l’enfant, les pieds plantés dans la mousse et les cheveux jouant au vent comme des feuilles, tendant les bras comme des branches, le plus immobile qu’elle le pouvait. Elle recevait un peu de soleil car ses parents lui aménageait un espace dans leurs feuilles, et ils racontaient comme le ciel est beau de là-haut, et elle brûlait de parvenir enfin à pousser aussi haut qu’eux…

A force de rester immobile, la dryade se laissa envahir par les lianes et les lierres, qui s’enroulaient autour de son corps et s’infiltraient sous sa peau, à la recherche de la savoureuse sève à sucer. Pour tout supporter, elle se tourna à l’intérieur d’elle-même, et rêva d’un ciel imaginaire, plus incroyable encore que celui qu’elle cherchait à atteindre. Elle ne bougeait pas, même quand les tentacules des bois la recouvrirent et que ses parents, la cherchant du regard, ne la retrouvèrent pas… Tristes de son malheur, ils ne pouvaient même pas se baisser et arracher les lianes qui recouvraient leur enfant. Ils ne pouvaient que lui chuchoter leurs encouragements, portés par un vent capricieux…

Tout autour de l’enfant, il y avait d’autres arbres. Certains étaient gentils et encore assez petits pour rester ses amis, à sa hauteur. D’autres, hauts et lointains, se donnaient la peine d’écarter leurs immenses branches pour qu’elle ait de la lumière. Mais la plupart, par indifférence et mépris, masquaient le soleil et lançaient les lianes qui enveloppaient l’enfant, et lentement l’avalaient.

Un matin, la dryade reçu la visite d’un écureuil. Curieux, celui-ci lui demanda :

« Pourquoi reste-tu immobile comme un rocher ?

_ Je veux grandir, et devenir un arbre aussi beau et grand que mes parents !

_ Ah bon. Et ça marche ?

La dryade pencha la tête et pleura deux larmes, aussitôt bues par les lianes avides.

_ Non ! Je n’arrive pas à pousser !

_ C’est bizarre, ça. A moins que… tu n’as jamais remarqué que tu n’étais pas un arbre ?

L’écureuil pensait que la jeune fille allait se fâcher, mais au lieu de ça, elle sanglota de plus belle – et les pousses s’enroulèrent encore plus près de ses yeux, serrant sa gorge, si bien qu’elle avait du mal à parler.

_ Mais je veux être un arbre !

_ Pourquoi ?

_ Parce qu’il le faut ! Pour le soleil !

_ Et alors ? Moi, je l’ai vu le soleil, et tu trouves que j’ai l’air moussu et feuillu ?

_ Comment est-ce possible ?

_ Je peux bouger. Pour nous, c’est le meilleur moyen d’arriver à voir le ciel, n’est-ce pas ? »

La dryade soupira et ne dit plus rien. Au bout d’un moment, l’écureuil repartit, tout en se promettant de repasser pour tenter à nouveau de la convaincre.

Elle réfléchissait. Elle savait déjà qu’elle pourrait se débarrasser des lianes, et à quel prix. Jusqu’à présent, elle pensait que ça n’en valait pas la peine. Mais si, libre, elle pouvait malgré tout voir le soleil…

Au bout de six jours et six nuits, elle pris sa décision.

Elle choisit de bouger.

Au début, ses mouvements étaient si ralentis par les lianes et le manque d’entraînement qu’on les distinguait à peine. Puis, au fur et à mesure que les lianes s’arrachaient dans un craquement sinistre, elle bougeait plus loin, plus vite. Enfin, elle s’extirpa de sa carapace verte. Couverte de sang. Chaque fil vert lui avait arraché un lambeau de peau. Et des larmes rouges coulaient lentement sur la mousse, souillant le vert de la forêt…

La souffrance était intolérable. Mais la dryade savait ce qu’elle devait faire. Avec ses mains, elle arracha, une à une, les lianes. Elle en fit un grand bûcher, et y mit le feu. Puis, lorsqu’elles eurent entièrement brûlées, elle recouvrit son corps meurtri avec la cendre. Ainsi sa peau guérit, plus solide et plus souple que l’ancienne – mais pour toujours d’un gris de cendre.

Et la jeune dryade sans racines put grimper, tout en haut, jusqu’au ciel.

fIN

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Commentaires
L
Maintenant que tu le dis, la métaphore est visible. J'aime l'idée de base : l'immobilité pour grandir comme un arbre, puis la mobilité pour atteindre le soleil par soi-même. Mais j'apprécie toutefois moins que les contes précédents !
L
Ecrit au printemps 2006 à Deslyres. Ca ne se voit pas tout de suite, mais c'est une métaphore de l'adolescence (enfin, d'une certaine forme d'adolescence, heureusement tout le monde ne passe pas par là).
Ecriveuse en herbe
  • Envoi d'histoires, textes, nouvelles, scénario de BD et tentative de roman que j'ai écrit. Plus elles sont bien, plus il y a d'étoiles après le titre. Bonne lecture ! (textes protégés donc demandez avant de les utiliser merci)
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