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Ecriveuse en herbe
6 janvier 2007

Touchantes retrouvailles ***

Touchantes retrouvailles

Perdue dans mes pensées (pas vraiment dans la lune, mais quasiment au niveau de la stratosphère), je ne me retourne pas en entendant quelqu’un appeler ‘Marine !’. Non, je n’ai pas oublié mon prénom (je n’en suis quand même pas à ce point), mais je suis seule dans la rue, donc personne ne me connais. L’appel passe directement dans la case ‘ne me concerne pas’ sans effleurer la conscience.

J’entends alors un bruit de pas dans mon dos, et la voix appelle à nouveau. Ça y est, le doute perce le joli brouillard dont j’avais soigneusement enveloppé mon quotidien : et si c’était moi qu’on appelait ? Je déteste me retourner quand j’entends mon nom, pour voir ensuite que je ne suis absolument pas concernée. Mais puisque je suis redescendue sur terre, autant aller voir.

Je me retrouve alors nez à nez avec un grand garçon brun, trop âgé pour que je pense ‘garçon’ en le voyant, mais trop exubérant pour que je pense ‘mec’. Il me sourit en écartant les bras. La dernière fois que quelqu’un a montré un tel ravissement en me voyant, c’était… c’était… ça se produira sûrement un jour où on me confiera une dose de drogue à faire passer à un junkie en manque. Ce type connaît mon nom, je ne l’ai jamais vu, il me fout la trouille et la rue est déserte. D’un autre coté, il connaît mon nom, donc nous avons été présentés par des gens qui pensent que ce n’est pas un psychopathe. Mais le temps que j’arrive à m’en convaincre, j’ai dû faire une tête terrorisée, parce que l’autre tente de me rassurer en souriant encore plus.

« Salut Marine, tu ne me reconnais pas ?

Absolument pas.

_ Ben, tu sais, je suis bigleuse, alors…

Mon excuse préférée. Bizarrement, je préfère dire ça que « je n’ai aucune mémoire des noms, et encore moins des visages », ce qui est pourtant la vérité.

_ Eddy !

J’ai deux secondes pour me décider : je fais semblant de le reconnaître, ou je le vexe ? Vu qu’il m’a saluée comme si j’étais la meilleure amie qu’il ai jamais eut de sa vie, je fais semblant. Si dans 5 minutes il n’a pas lâché l’affaire, je lui dis que j’ai un bus à prendre et je file.

Il continue :

_ Alors, tu lis toujours un livre par jour ?

Bon, aucun doute : ce type me connais vraiment.

_ Là, je n’ai plus trop le temps, avec les études et tout ça… Ca va toi ?

Pitié, donne-moi un indice sur ce que tu fais, histoire que je puisse te parler.

_ Ouais, ouais, la routine.

Salaud.

Et il rattaque :

_ T’es toujours en psycho ?

_ Oui, ça se passe bien. Je suis bien à l’aise maintenant.

C’est le moment où je devrais lui poser des questions sur lui, sauf que je ne peux pas. Peut-être que mon bus va être en avance sur l’horaire.

_ Et ton père, il va bien ?

Donc visiblement, je le connais grâce à mon père. Ce n’est pas un enfant d’une ex-belle-mère (je ne les reconnaîtrai plus maintenant, mais l’un s’appelle Maxime et l’autre Zaïr, j’en suis sûre). Donc c’est le fils d’un ami de mon père, on a dû se croiser une fois et il a de mes nouvelles par mon père. Mais pourquoi il prendrait de mes nouvelles ???

_ Oui, il va bien. Il est toujours en voyage, un coup au Maroc, un coup à Paris… Je le vois quand il passe à Chambéry.

_ Ah bon, il bosse au Maroc ?

Ma théorie s’effondre. Ça fait plus de trois ans que mon père travaille au Maroc la moitié du mois. Pourquoi il me demanderai de ses nouvelles si il le connaît mal ?

_ En fait, m’explique Eddy, on avait discuté un peu quand il est venu te chercher. Mais sinon je ne le connais pas bien.

Quand mon père est venu me chercher ???? Mon père vient me chercher chez moi quand j’ai la flemme de sortir mon brêlon, et allait avant me chercher chez ma mère un week-end sur deux. Aucun Eddy dans les parages à ces moments-là : même si je ne suis pas la fille la plus observatrice du monde (et pas de commentaires merci), je me serais rendu compte de la présence d’un type dans ma maison, quand même. Sauf si c’est un ami de mon grand frère qui passait par là… Mais il a l’air trop jeune pour ça. Il doit avoir à peu près mon âge. Et il continue (avec le sourire ! Mais il se shoote à quoi ?) :

_ Et sinon, tu revois encore un peu les autres ?

Quels autres ? Réponse sans risque : non. Mais comment il a sut que j’étais en psycho ?

_ Non, pas vraiment. Et toi ?

Le ‘pas vraiment’ est un flou nécessaire à toute conversation du genre. Lui renvoyer la question est un moyen facile de récupérer des indices supplémentaires.

_ Ben, pas trop. Je vois toujours Romain et compagnie, mais genre tous les trente-six du mois… Sinon les autres, je sais pas ce qu’ils sont devenus. Enfin, je crois que Marie est en prépa véto ou un truc comme ça…

Marie : ça ne m’apporte rien, j’en connais des tonnes. Romain, par contre, évoque deux possibilités : celui avec qui j’étais à la maternelle et dont la grand-mère est une grande amie de la mienne qui persiste à me donner de ses nouvelles, et celui qui m’avais plus ou moins draguée au collège. Etant donné qu’Eddy a parlé d’une bande, le collège est la meilleure hypothèse, mais comment il a sut que j’étais en psycho et où a-t-il rencontré mon père ? C’est alors que la petite ampoule s’allume au-dessus de ma tête : je suis allée à une soirée, en fin de troisième, avec à peu près toute ma classe, et c’était mon père qui est venu me chercher. Eddy a dû être dans la même troisième que moi. Soulagée de savoir que je peux légitimement ne pas savoir où il en est, je demande :

_ Et toi maintenant tu fais quoi ?

_ Je suis sur Grenoble d’habitude, je bosse comme DJ.

_ Ah oui, c’est cool.

_ Ouais, pas mal.

_ Et comment tu as trouvé ça ? Je veux dire, c’est un choix de carrière, ou bien…

Rhaa, je déteste poser des questions comme ça ! C’est lourd et limite insultant. Mais sur le moment, ça m’a parut bien. Jusqu’à ce que je m’aperçoive que je ne savais pas comment finir ma phrase, en fait.

_ Nan, j’ai foiré ma première année. Je fais ça en attendant. En fait, je sais pas trop ce que je veux faire.

Tiens, le sourire est parti. C’est ma faute, donc je regrette, mais en même temps ça soulage. J’avais vraiment l’impression qu’il faisait erreur sur la personne. Il me prouve aussitôt le contraire :

_ Et toi, tu ne veux pas faire écrivain ?

Attend une minute, coco ! Personne au collège n’était au courant de mes ambitions littéraires !

_ Oui, mais en fait c’est en plus. J’écris pour le plaisir, et j’essaye de me motiver pour faire un truc sérieux. Pour vivre, je serais psychologue.

Est-ce que je pose la question ? Allons-y. Le pire que je risque, c’est de me gourer complètement devant quelqu’un qui est (à mes yeux) un parfait inconnu.

_ Heu, comment tu as su que j’écrivais ?

_ Ma mère m’a dis que tu avais publié une nouvelle. Félicitation !

Ça me fait plaisir qu’il me dise ça, bien sûr… Mais qui est sa mère et comment l’a-t-elle su ?

Réponse :

_ Elle est toujours au CDI du collège, et c’est ton petit frère qui lui a dit…

Quoi ? Ce Eddy serait le fils de Mme Lariguet, la meilleure bibliothécaire que j’ai jamais rencontré de ma vie ? Comme j’étais une lectrice assidue, elle m’aimait bien, et j’ai chargé mon petit frère (qui va dans ce collège maintenant) de lui raconter un peu où j’en étais. Je savais que ça lui ferait plaisir de me voir engagée dans une voie littéraire. Et j’aurais eut son fils dans ma classe pendant au moins un an, sans jamais m’en être aperçue ????

Je suis vraiment en-dessous de tout.

Je lui demande quelques nouvelles de sa mère, lui parle un peu de ma nouvelle, et pour finir, c’est lui qui me quitte avec son plus grand sourire. Ouf, c’était de la haute voltige, mais je m’en suis bien tirée.

Nouvelle bonne résolution : noter les noms des gens que je connais quelque part, et apprendre régulièrement la liste par cœur. Ou m’acheter une mémoire. Ou passer plus de temps sur terre, en portant mon attention sur les vrais gens. Mais comment j’arrive à faire des trucs pareils ???

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Commentaires
C
***<br /> <br /> Très sympa ^^
C
Plutot que de prendre des notes ,je te refile mon truc.Quand je suis devant un inconnu quand même connu tout en étant inconnu mais connu je fais semblant de téléphoner avec mon portable ( en m'excusant, naturellement) et en fait (comme dirait Léa) je le photographie. La dernière fois que j'ai fait ç'à mon écran me dit "faut-il remplacer les six photos de la même personne par ce nouveau cliché??" Tu vois c'est très efficace ! A bientôt !! Ciiao.
A
Très belle écriture, incisive, moderne. J'espère qu'un jour, vous n'écrirez plus seulement pour le plaisir...
L
Tres sympa ce texte, un style toujours energique et agreable, je me reconnais bien dedant, aussi bien parce que je passe egalement pas mal de temps a me ballader dans la galaxie et parce que c'est toujours dse moments horribles quand on ne reconnais pas quelqu'un, on cherche des indices, essaye de pas vexer... un vrai cauchemard que tu nous a bien mis en mots!!
L
Ce n'est pas une histoire autobiographique, mais elle pourrait l'être un de ces jours... Ceux qui me connaissent pourront confirmer : et oui, je suis vraiment comme ça.
Ecriveuse en herbe
  • Envoi d'histoires, textes, nouvelles, scénario de BD et tentative de roman que j'ai écrit. Plus elles sont bien, plus il y a d'étoiles après le titre. Bonne lecture ! (textes protégés donc demandez avant de les utiliser merci)
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