Un corps sans âme **
Un corps sans âme
Je sors de l’hôpital. Le soleil me brûle les yeux. Je le regarde sans ciller. On me dit de monter. Je monte. On me parle. On me dit de répondre. Je réponds. On me dit de raconter. Je raconte. On me dit de descendre. Je descends.
J’ai l’air normale. On me félicite. Aucune importance. Je me sens comme une coquille vide, un robot en manque de programme. Je continue à fonctionner, parce que c’est comme ça. J’avance quand on me dit d’avancer. Je m’assois quand on me dit de m’asseoir. Je ne suis pas fatiguée. Je n’ai pas faim. Je n’ai pas soif. Je n’ai pas froid. Je ne suis pas triste. Je ne ressens plus rien.
Sur le parquet, il y avait une écharde. Elle s’est enfoncée dans mon pied. Je ne ressens pas la douleur. Je ne m’inquiète pas. Je ne bouge pas. Je continue de vivre, parce que c’est comme ça.
Je n’ai plus de souvenir. J’ai tout oublié. Je n’ai plus de sentiments. J’ai oublié ce que ce mot veut dire. Je suis un souffle d’air, enfermée dans un corps qui avance, qui fonctionne, qui obéit. Je ne suis rien. Je suis personne.
Quelqu’un entre. Il ouvre la fenêtre. Il me dit de m’asseoir sur le rebord. Je m’assieds. Il me dit de sauter. Pourquoi sauter quand on peut se contenter de se laisser glisser ?
Je glisse, je tombe, je m’écrase. Je ne suis plus un corps sans âme. Je suis une tache rouge sur le ciment. Peut-être que je me suis fait mal.
Bien ou mal, quelle importance ?