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Ecriveuse en herbe
20 mars 2007

La nuit ***

La nuit

Dans le noir, tout disparaît. La chambre avec ses murs colorés et les jouets que j’ai oublié de ranger avant d’aller dormir. Le long, long couloir avec le parquet qui craque. La chambre de mes parents. Ma maison. La ville. L’univers.

Il n’y a plus que moi, tout au chaud sous mes couvertures. Mon lit est la seule chose dont je suis sûre de l’existence. C’est pour ça qu’il ne faut surtout pas le quitter.

Si je sors la tête doucement par-dessus la couette, je peux voir ce qui a remplacé ma chambre… Il y a juste un rayon de lune. Pas de veilleuse, je suis une grande fille maintenant. De toutes façons elle ne changeait rien.

A la place de mes jouets, il y a des trésors et des morceaux d’animaux morts, ils font des bosses et des creux et brillent parfois sans qu’on les voit bouger. Ils servent de ville à des centaines d’insectes venus du déserts, un désert de sable glacé où il n’y a jamais de soleil. Sur le côté, il y a un énorme coffre ventru de pirates de l’espace, ornée de boutons permettant de faire un code secret qui peut-être sauvera l’univers… ou peut-être nous tuera tous. Plus loin, c’est difficile à dire, il ne reste des ombres au milieu d’autres ombres, comme une forêt immense où vivent les loups.

Maintenant il ne faut surtout pas allumer la lumière. Une fois qu’on est couché, on a l’impression que la chambre redeviens normale quand la lumière est allumée, mais c’est faux, ce n’est qu’un leurre. Les choses ne veulent pas qu’on ait peur alors elles peignent les ombres avec de belles couleurs et agitent des chiffons qui ressemblent à mes parents, sauf que je sais bien que mes vrais parents, dans leur vraie chambre, sont à des milliers de kilomètres…

Je ne me laisse pas berner. Hors de question que je pose un pied hors de mon lit. Si je le faisait, je me perdrai dans le monde des ombres et je ne pourrais jamais retrouver le mien. Ils mettraient un faux lit à la place du vrai pour que je crois qu’il me suffit d’un pas pour être en sécurité. Je sais bien que c’est faux. A partir de l’instant où je quitterai ce sanctuaire, il disparaîtra comme tous les autres objets réels. Ils ne m’auront pas.

Un monstre s’est glissé sous mon lit. Il gratte contre le matelas, et ça fait le même bruit qu’une fourchette contre un verre, krrish, krrrrish, krrrrrrrrrish… Je donne un coup de pied sur le matelas pour lui montrer que je n’ai pas peur. Evidement, J’AI peur !

Je n’ai aucune arme pour me défendre, rien que mon lit, ma couverture et mon oreiller. Lui a de grandes dents et des griffes immenses, il gronde comme une bête affamée et ses yeux rouges étincelants peuvent voir à travers mes pauvres protections. Il ne veut pas me manger. Il veut que je quittes mon lit. Et bien monsieur, compte là-dessus. J’y suis et j’y reste coûte que coûte !

Il a compris que je bluffais et il recommence à gratter sous le matelas. Il n’y a plus grand chose qui me sépare de ses longues, longues griffes acérées comme des couteaux. Je me serre en boule le plus loin possible du bruit, bien calée contre le mur, et j’essaye de respirer tout doucement pour qu’il ne sache pas que je suis là. Tout doux… comme une plume… léger… lentement…

Le bruit s’arrête. Doucement je m’endors.

Au matin tout est redevenu normal, comme tous les matins. Je saute de mon lit pour regarder les dessins animés. Juste un coup d’œil sous le lit pour vérifier que le monstre n’est pas resté. On ne sait jamais.

Un reflet rouge dans l’ombre. Pitié, non, pas… Je respire tout doucement pour ne pas qu’il me repère et je tends la main. La poussière me caresse. Tout au fond je sens quelque chose de froid. C’est petit et rond. Je tire l’objet, c’est une toute petite bille, une bille rouge. Ouf, pas de monstre dans le vrai monde, tout va bien !

Avant de descendre, je vais jeter la bille dans les toilettes. C’est plus prudent.

Je n’ai  jamais eu de bille rouge.

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Commentaires
L
Ecrit en mars 2007 sur un sujet de Deslyres : les peurs d'enfant. Au départ, j'avais essayé un enfant qui a peur d'un chien, puis un enfant qui se perds... Je n'y suis pas arrivée. Donc j'ai essayé un classique, l'enfant qui a peur du noir. Sans le faire exprès, j'ai décrit une vision du monde (la nuit au moins) assez schizophrène, heureusement chez les enfants ce n'est pas encore trop inquiétant. Si je faisais la même histoire chez un adulte, ce serait une histoire de folie et de terreur, pas une frayeur qu'on efface au saut du lit. A tenter peut-être...
Ecriveuse en herbe
  • Envoi d'histoires, textes, nouvelles, scénario de BD et tentative de roman que j'ai écrit. Plus elles sont bien, plus il y a d'étoiles après le titre. Bonne lecture ! (textes protégés donc demandez avant de les utiliser merci)
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