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Ecriveuse en herbe
17 février 2008

Soyez les Bienvenus ! **** (suite)

Anna hoche poliment la tête et ne fais par remarquer qu’à son âge – la tante Isobelle a sans doute connu la 2ème guerre mondiale – c’est sans doute mieux pour elle de lever le pied. Elle rend poliment la tasse, attrape son sac et adresse un signe de tête aux deux adolescents. Elle ne dit rien à Isobelle – elle n’a pas l’intention de remettre les pieds dans la Grande Maison mais c’est plus simple pour tout le monde si elle part sans dire au revoir. Le bout de chemin qui lui reste à parcourir devrait lui suffire à parler à Rosita – Anna ne veut pas l’abandonner sans essayer au moins de tenir la promesse qu’elle lui a faite.

Ils marchent quelques minutes en silence, profitant de la fraicheur matinale et de la douceur de la lumière. Puis, à la seconde où la maison est hors de vue – alors qu’ils lui tournent le dos tous les trois – ils commencent à parler tous en même temps. Ils s’arrêtent en pouffant de rire. Finalement c’est Rosita qui commence :

« Où est-ce que tu vas aller ensuite, Anna ?

_ Je ne sais pas. Je dois fuir des gens très dangereux. Le mieux, ce serait que j’entre en douce dans un autre pays, que je place mon argent dans une banque anonyme et que me fabrique une nouvelle identité. C’est ce qui se fait dans les films. Mais moi, je n’ai pas la moindre idée sur la façon dont je dois m’y prendre !

_ Ou alors, intervient Will en sortent de sa ceinture l’un de ses revolvers, tu les élimines.

_ Will ! crie Rosita. Arrêtes de sortir des horreurs pareilles !

_ Je n’en serais pas capable, dit Anna. Ce sont des professionnels et ils sont nombreux. Et puis… l’homme qui veut me tuer… c’était mon mari. Je veux dire, c’est mon mari.

_ Raison de plus, insiste le jeune homme. Comme ça tu pourras plaider le crime passionnel si tu te fais prendre. Il sort d’où le fric ?

_ Je ne sais même pas. Mais il n’avait aucun droit sur cet argent lui non plus.

_ Moi aussi, dit brusquement Rosita, un jour je vais partir.

_ Hein ? s’exclame Will. Pourquoi ? On est bien ici ! C’est bien toi qui pleurnichait parce qu’on n’avait pas d’endroit à nous ? Pourquoi tu veux partir ?

_ Pas tout de suite, soupire Rosita qui explique à Anna : on n’est pas nés dans cette famille tous les deux. D’ailleurs on n’est pas vraiment frère et sœur…

_ Si, on l’est ! rugit Will.

_ On s’est rencontré il y a deux ans, continue à raconter Rosita. J’en avais 13 et lui 15. J’étais paumée, je ne savais pas quoi faire ni où aller, j’étais terrifiée. Will m’a aidée à m’en sortir mais on n’avait pas de maison, pas de travail, pas d’argent, c’était l’horreur. Et le pire c’est qu’on ne pouvait jamais être tranquilles, il fallait toujours s’enfuir. Et un jour on a trouvé cette maison. Et cette famille. Ce n’est pas pour rien qu’il y a  marqué ‘soyez les bienvenus’. Ils nous ont vraiment adoptés, et c’est génial parce qu’on n’aurait jamais réussi à trouver un endroit à nous sans eux. C’est notre famille maintenant. Mais moi je crois qu’on ne peut pas rester toute sa vie dans sa famille, et quand je serais adulte je partirais.

_ Et moi ? demande sombrement Will. Tu as une place pour moi dans ton joli plan ? Ou tu penses que tu n’auras plus besoin de moi quand tu seras grande ? Hein ? Tu crois que tu arrêteras d’être un putain de loup-garou ?

Rosita ne répond pas et détourne la tête. Anna est restée silencieuse, arbitre impuissante au milieu de cette discussion qui ne la concerne pas mais qui n’aurait sans doute pas eu lieu sans sa présence. A présent elle aimerait se faire oublier. Le secret de Rosita est trop énorme pour pouvoir dire quoi que ce soit – surtout qu’Anna refuse toujours de croire à l’existence des loups-garous. Il ne lui vient pas à l’esprit de le faire savoir. Elle ne pense pas que Will et Rosita tentent de la faire marcher. Ils croient vraiment que Rosita est un loup-garou.

Quand Anna lui jette un regard en biais, elle voit une larme couler le long de son nez avant de tomber au sol. Le silence est écrasant. Jusqu’à ce que l’adolescente redresse la tête, très sérieuse, et dise d’un ton froid :

_ On a de la visite.

_ Sur le Chemin ? demande Will. Ce n’est pas possib…

_ Un 4x4, deux voitures et trois motos. Ils arrivent.

_ Oh. Alors c’est possible. J’aurais pas cru.

_ Réagis, merde ! Ils viennent pour Anna ! Vous deux, filez, je vais les ralentir ! »

Will s’accroche au bras d’Anna et la force à courir vers la Maison.

« On ne va pas la laisser en arrière ! crie Anna. Donne-lui un flingue au moins !

_ Ne t’inquiète pas, elle ne craint rien, ils n’ont pas d’argent sur eux !

_ ARRETES AVEC CES CONNERIES ! C’est pas un putain de jeu ! Elle va vraiment…

_ Tiens, les voilà, conclut tranquillement l’adolescent.

Will s’arrête de courir, se met devant Anna et sors ses deux revolvers. Le Chemin est droit et ils voient encore Rosita, deux cent mètres devant eux, qui reste debout devant les voitures. Les conducteurs pilent. Trop tard. La voiture de tête ne freine pas à temps et aurait percutée Rosita de plein fouet si la jeune fille n’avait pas planté ses doigts – ses griffes à présent – dans son capot. Son bras tendu ne bronche pas d’un millimètre lorsque la voiture suivante s’encastre dans la première. Les hommes sortent des voitures et braquent leurs armes sur Rosita… qui se transforme.

Les mots du livre reviennent à l’esprit d’Anna : Les loups-garous capables de se transformer à volonté sont rares. Ils sont de loin les plus redoutables : ils associent l’intelligence des humains, le flair du loup et une force colossale qui dépasse la combinaison des deux.

Les plus doués peuvent transformer certaines parties de leur corps uniquement et rester au stade mi-humain mi-loup qui leur assure une grande habilité dans toutes les situations.

Une grande habilité. Oui. On peut dire ça.

Rosita n’est devenue qu’à moitié louve. Elle a toujours des mains, quoi que griffues. Elle se tient debout. Mais son visage… Ses crocs… Elle est si…

Terrifiante. Inhumaine.

_ Tu vois, dit Will, elle s’en sort très bien. Allez, on se tire. Elle ne va pas les tuer. Elle est non-violente. »

Anna détourne la tête du spectacle atroce et court de toutes ses forces. Dans leur dos résonne le vrombissement des deux motos que Rosita n’a pas réussi à détruire. Très calmement, Will se retourne et tire. Anna n’entend qu’un seul coup de feu mais il a dû en tirer deux, parfaitement au même moment, qui ont touché leur cible : le pneu avant des deux motos éclate et leurs conducteurs partent en vol plané. Ils se blessent méchamment à l’atterrissage. Le sang coule, sombre comme une âme damnée, sur la claire poussière du Chemin. Anna commence à trembler. Et si le monstre-loup venait, attiré par l’odeur du sang qu’elle dégusterait comme un exquis vin noir ? Non, pas le monstre, se corrige Anna. Rosita. Rosita qui détruit les voitures mais qui ne veut pas tuer. Même si les loups-garous ont besoin de manger entre 15 et 20 kilos de viande par jour pour rester en bonne santé. En-dessous, leur part animale prend un contrôle de plus en plus important et ils peuvent attaquer toutes les créatures qui pour eux ne sont plus que de la viande. La chair humaine reste une exception : elle est bien plus attirante en raison de ses effets euphorisants et l’odeur de sang humain peut être repérée à des kilomètres de distance.

Mais pas Rosita.

Malgré ses genoux tremblants Anna parvient à se remettre à courir. Derrière elle retentissent hurlements et coups de feu. Et grondement. Oui, le même terrible grondement qu’elle a entendu dans la grange.

Ce type de loup-garou est incapable de se contrôler au moment de la pleine lune.

Au moment de la pleine lune. Maintenant c’est fini. Maintenant ça va.

C’est ce que Anna veut absolument croire.

Elle ne comprend pas ce qui lui arrive quand elle est enfin en vu de la Maison. C’est beaucoup trop beau pour être vrai. Leurs poursuivants sont encore loin derrière. Vite, elle se précipite dans le refuge, suivie de Will et immédiatement après de Rosita. Si c’est bien Rosita. Elle est recouverte de poils et son visage n’est plus qu’un long museau qui sert de fourreau aux plus épouvantables dents qu’Anna ait jamais vue… La jeune fille détourne la tête et peu à peu reviens à la normal. Puis demande à Will :

« Alors, qu’est-ce qu’on fait ?

L’adolescent hausse les épaules et répond :

_ Ils sont les bienvenus dans la Maison, tu sais bien. On ne peut pas fermer la porte à des étrangers.

_ Mais ils vont tuer Anna !

_ Personne ne peut mourir dans la Maison.

_ Mais on peut avoir mal ! Je sais ce que ça fait de se prendre une balle dans la tête ! J’aurais préféré mourir plutôt que de subir ça, et pourtant moi je guéris vite !

_ On va la protéger. T’inquiète.

Rosita se tourne vers Anna qui est restée immobile, dos au mur, les yeux fermés. C’est visible qu’elle est en train de craquer. Mais Rosita sait que maintenant qu’Anna a découvert son apparence bestiale, elle aura bien du mal à la rassurer. Une fois de plus la jeune fille maudit l’injustice du sort. Les vampires se nourrissent de sang humain et tout le monde leur trouve une classe folle. Les loups-garous peuvent se retenir d’attaquer les humains – même si c’est horriblement difficile – et tout le monde les trouve monstrueux. Elle avait espéré qu’Anna comprendrait… si on lui expliquait en douceur… mais même dans les meilleures conditions du monde il y aurait eu très peu de chances pour qu’Anna l’accepte telle qu’elle est. Tant pis. Ce n’est pas une raison pour la laisser tomber.

Tatie Yanelle est bien sûr déjà au courant que les méchants arrivent, ses visions l’ont prévenues et elle s’est chargée de prévenir tout le monde, pourtant chacun continue ses activités quotidiennes. A l’exception de Will et Rosita qui tirent une Anna léthargique – mais toujours solidement accrochée à son sac – derrière eux. Direction l’atelier de Will. Dans cette pièce il y a partout des armes. Des lance-roquettes. Des hallebardes. Des arbalètes en acier. Des couteaux en silex. Des battes de base-ball cloutées. Des aiguilles empoisonnées. Bref, un bel assortiment de tout ce que l’humanité a créé un jour pour massacrer son prochain.  Sur un coté, une forge et des outils permettent visiblement au jeune homme de réaliser certaines pièces lui-même.

Will englobe le tout d’un geste du bras généreux et dit à Anna :

_ Sers-toi. Tout marche parfaitement. Rosita ?

_ Oui ? répond celle-ci.

_ Est-ce que tu pourrais descendre t’occuper d’eux ? Je pense qu’on peut les forcer à laisser tomber, si on leur fait assez peur.

Rosita regarde quelques secondes Anna d’un air déçu puis répond :

_ D’accord.

Elle quitte la pièce. Will ouvre un panneau qui dévoile une bonne centaine d’écran de télévision. Il les allume. Chaque écran est connecté à une caméra de la Maison, et apparemment il n’y en a pas deux qui filment la même pièce. En plus des dizaines de pièces vides, on peut voir Yanelle qui tire les cartes à la lueur des chandelles, Edmond qui joue du piano, le Baron qui lit dans un grand fauteuil, Mémé qui essaye ses robes, Isobelle qui prépare des potions, Akira qui dort et Rosita qui dévale l’escalier. Anna se penche.

_ Tu crois qu’ils vont faire du mal à Rosita ? Elle n’est même pas armée…

_ Ne t’en fais pas pour elle, c’est la plus forte notre loupiote ! Je crois qu’elle-même elle ne réalise pas à quel point elle est forte. Et courageuse. Elle vit avec ça, tu comprends… Avec sa malédiction.

_ Depuis quand… depuis quand elle est comme ça ?

_ Ça fait deux ans maintenant. C’est pour ça qu’on est bien ici, on avait besoin d’aide. Elle veut rester humaine, Rosita, tu comprends, elle arrive à admettre qu’elle est différente mais elle ne veut pas être un assassin. Ou un animal. A la pleine lune, on l’enferme dans une pièce aux murs incrustés d’argent. Tu imagine la volonté qu’il faut pour y retourner, tous les mois, juste pour être sûr de ne pas faire de mal à qui que ce soit ? C’est quelqu’un de très spécial, ma petite sœur.

_ Et toi ? Tu es…

_ Je suis aussi dans Les Enfants de la Nuit, figure-toi. Dans le chapitre sur les fous.

_ Les fous ?

_ Les fous qui croient aux loups-garous… Regarde, dit-il en pointant du doigt l’un des écrans, ils entrent ! »

Oui, ils entrent, et ils sont nombreux. Certains sont restés en arrière pour s’occuper des blessés. Les autres ont sortis leurs armes. Ils n’ont pas compris ce qui les avait attaqué, leurs cerveaux prosaïques refusent d’intégrer l’idée d’un loup-garou, ils savent juste qu’ils ont perdu la première bataille et ils n’aiment pas ça. Ils entrent et se dispersent dans la maison.

Trois d’entre eux vont au salon qui est toujours plongé dans la pénombre. Edmond joue du piano. « Putain, on n’y voit rien ! s’exclame l’un des hommes.

_ Bonjour, dit une petite voix dans l’obscurité. Soyez les bienvenus chez nous.

_ Merde, il y a un gosse !

_ Attend, ajoute un autre homme avant de demander à Edmond : hé petit, tu n’aurais pas vu passer une femme ici ? Avec un gros sac ?

_ Non. Vous voulez jouer avec moi ?

_ Merde, s’exclame le troisième, où sont ces putains d’interrupteurs ?

_ Je peux allumer si vous voulez, dit Edmond avant de revenir à la charge. Vous voulez jouer avec moi ? Le morceau que vous préférez. »

Les deux chandeliers autour du piano s’allument – et cette fois Anna réalise qu’Edmond ne s’est pas servi d’allumettes pour ça, qu’il ne les a même pas approchés.

« Edmond est un fantôme, précise Will. Lui non plus, il ne craint rien.

_ Tu… tu es le seul humain normal ici ?

_ Le seul humain qui n’ait aucun pouvoir magique, oui. Mais je me débrouille. J’ai des accessoires. Et tout le monde est gentil avec moi dans la famille.

_ Il va faire quoi, là ?

_ Ça dépend. Toi qui les connais, tu crois qu’ils vont accepter de jouer du piano avec lui ?

_ Non, aucun risque.

_ Alors il va s’énerver. »

L’un des hommes de main s’est aperçu que la porte est fermée à clé. Un autre tente de fouiller le reste de la pièce sans avoir assez de lumière pour le faire. Le troisième, à bout de patient, agrippe Edmond et le secoue en hurlant :

« Toi le gosse tu vas me dire où est cette salope de bonne femme ou je vais t’en coller une !

Il est un peu perturbé en s’apercevant qu’il ne fait absolument pas peur à l’enfant, qui n’a pourtant pas plus de sept ans. Et que l’enfant est glacé. Vraiment glacé. Et en colère.

_ Pourquoi tu veux pas jouer du piano avec moi ! crie Edmond. Pourquoi tu ne m’aimes pas !

Peu à peu la pièce s’éclaire d’une lueur rougeoyante, dévoilant son contenu. Tous les meubles ont été fracassés à coup de hache. Du sang les a éclaboussés en larges fleurs rouges. La même hache a ravagé le visage de l’enfant qui les regarde d’un seul œil, l’autre pendant sur sa joue, suspendu au nerf optique. Sur ce qu’il reste de sa joue. Un morceau de cervelle pend aussi. Et Edmond, montrant le visage de sa mort, continue à hurler d’une voix stridente :

_ POURQUOI ? POURQUOI ? POURQUOI ?

Dans son atelier, Will confie à Anna :

« Il y a un paquet de gens qui viennent prendre une chambre ici, mais la plupart s’en vont très vite. Pourtant on leur souhaite la bienvenue et tout.

_ Sans blague. » répond Anna fascinée par le spectacle – et terrifiée rétrospectivement d’avoir failli fâcher Edmond.

Dans le salon les trois hommes hurlent et tentent désespérément de passer à travers la porte fermée à clé.

Deux autres déboulent dans la cuisine. La moitié moderne est brillamment éclairée. Dans l’autre moitié la nuit règne, le feu ne parvient qu’à souligner la silhouette féminine qui touille la marmite. Les deux hommes de mains se précipitent sur elle.

« Maintenant, gronde le premier, tu vas nous suivre, salope !

Ce n’est qu’en l’empoignant qu’il réalise son erreur : ce n’est pas la fugitive qu’il tient là mais une vieille femme outrée. Il choisit de lui hurler dessus :

_ Où est-elle ? Où est Anna Restoil ? La femme avec un sac de voyage ?

Isobelle se dégage violemment.

_ Silence ! Où vous avez été élevés ? Dans une porcherie ? Votre mère ne vous a pas appris à demander les choses poliment ?

Le deuxième homme sort un revolver qu’il agite sous le nez de la vieille femme tout en la menaçant :

_ Dis-nous où est cette pouffiasse, la vioque, sinon je te transforme en passoire !

_ Tiens donc ? Et avec quoi ?

Le truand sent son arme glisser sous sa main. Abasourdi, il la voit transformée en une bête grouillante de mille pattes qu’il lâche dans un hurlement. La cravate de son complice est changée en serpent qui resserre lentement ses anneaux.

_ La tradition de cette maison exige que je vous souhaite la bienvenue, dit Isobelle d’un ton pincé. Alors tâchez de vous conduire comme des gens bien élevés à l’avenir. »

L’homme au serpent s’évanouit tandis que son complice tente de s’enfuir.

« Laisse-moi deviner, dit Anna. C’est une sorcière ?

_ Elle est aussi alchimiste et médecin à ses moments perdus.

_ Et Yanelle ?

_ Yanelle c’est différent, elle est médium.

_ Comment elle va les faire fuir alors ?

_ Ben, elle est super flippante quand elle sort le grand jeu. »

Effectivement, Yanelle a décidé de sortir le grand jeu. Elle aime bien Anna. Ce qui n’exclut pas un minimum de prudence : elle allume toutes les lumières pour être bien sûre qu’on ne la confonde pas avec la femme en fuite. Puis elle attend.

Lorsque deux hommes entrent dans sa salle de méditation, elle leur dit :

_ Soyez les bienvenus, Eric Charrat et Maximilien de Loret.

_ Hein ? répondent-ils. Qui vous a rencardé sur nos noms ?

Yanelle sourit et répond à coté :

_ Vous venez pour l’argent d’Anna Restoil. Pourtant vous ne le toucherez pas. Vous, M. Charrat, vous allez prendre une balle dans la tête quand M. Restoil croira que vous l’avez doublé sur les propriétés de la colline. Et vous, M. de Loret, vous avez prévu de fuir en Thaïlande dès que possible avant qu’il ne s’aperçoive que c’est vous qui l’avez doublé sur les propriétés en question. En fait, sans le vol d’Anna, vous y seriez déjà.

Le silence retombe mais le revolver de Carrat change de direction. Il se braque vers l’autre homme.

_ T’as pas fait ça ? Putain, c’est de la connerie, t’as pas fait ça ?

_ Mais non, tu ne vas pas croire cette espèce de gitane à la con !

_ M. Carrat, dit tranquillement Yanelle, vous devriez éviter Edouard Restoil un long moment, c’est un conseil. Si vous ne tenez pas à rejoindre votre grand-père. C’était votre premier meurtre, non ?

_ N… non… je n’ai pas… C’était un accident !

_ Vous l’avez poussé dans les escaliers, à son âge ça ne pardonne pas. Je vous donne ce conseil pour votre bien. Vous êtes libre d’en faire ce que vous voulez.

Les deux malfrats se regardent. Puis très vite détournent la tête. Pour autant ils n’osent pas regarder Yanelle. Leurs yeux furètent de-ci delà dans la pièce, comme s’ils cherchaient quelque chose sans se rappeler quoi. Au bout de quelques minutes de Loret brandit vaguement son arme en menaçant :

_ Bon, ça suffit ce numéro à la con, elle est où Anna Restoil ? Et si jamais vous ouvrez encore votre gueule pour ce genre de conneries, je vous…

_ Vous avez déjà oublié Frédérique, l’interromps tranquillement Yanelle. C’est bien triste.

L’homme, déjà pâle, devient blême. Il commence à reculer lentement et dit à son complice :

_ On s’en va.

_ Mais t’as dit que c’était que des conneries… Merde, tu vas pas la croire ! J’ai jamais poussé mon grand-père ! Et je vais pas crever !

_ On s’en va je te dis. La fille est pas là. On… on va attendre les autres. »

Tous deux s’enfuient sans demander leur reste.

Les autres hommes de main se sont séparés au fil des pièces qu’ils fouillent avec rage. L’un d’entre eux entre dans la pièce où se trouve Akira. Il prend la forme sombre pour un amas de vêtements et la jette violemment sur le coté. Ou plutôt tente de la jeter. Akira se redresse et dit :

« Monsieur le bienvenu, je vous prierais de ne pas troubler mon repos. Je suis ici chez moi.

_ Bien sûr, répond l’homme avec un sourire faux, je comprends. Désolé pour le dérangement, je ne vous avais pas vu. Mais on cherche une femme. Vous ne l’auriez pas vu ?

_ Laissez-moi dormir.

_ Ecoute, mon gars, ça peut se passer de deux manières. Soit t’es bien sage et tout se passe sans bobo pour tout le monde, soit tu me provoques, et là…

L’homme de main montre son revolver d’un geste suggestif. Akira sort des profondeurs insoupçonnées de son étrange vêtement un long sabre à la lame noire. L’humain continue à sourire mais son rictus parait figé sur son visage.

« Regarde ! s’exclame Will en montrant le spectacle. Akira est trop cool !

_ Il fait plus peur que Rosita ?

_ Tu rigoles ? Ma Rosita c’est une peluche, un doudou en sucre qui porte des jupettes roses ! Lui, c’est un shinigami.

_ Un quoi ?

_ Un shinigami, un petit dieu de la Mort au Japon. Il vient ici en vacances, pour se reposer. C’est pour ça qu’on ne peut pas mourir dans la Maison.

_ Il va le tuer ?

_ Je crois pas. Il a pas le droit de faire ça directement. Un truc d’éthique. »

Le sabre d’Akira mesure près de deux mètres de long à présent qu’il est entièrement déployé. Le shinigami le place de manière à ce que la lumière se reflète tout du long de son immense lame. Puis la lame disparait. Quelques secondes. Après quoi l’homme sent ses vêtements tomber. Son revolver est coupé en trois. Son costume n’est plus qu’un amas de confettis à ses pieds. Et Akira a laissé un pan de tissu s’écarter. On peut voir une partie de son visage.

L’homme s’évanouit.

« Heureusement que je l’ai enregistré, commente Will, je me passerais le ralenti.

_ Pourquoi il a… mais il est super dangereux ce… shirinimi !

_ Seulement quand on l’emmerde. Et tu as vu, il ne l’a pas touché. En tous cas ça avance bien, tu vas bientôt pouvoir te tirer d’ici !

Effectivement, Anna commence à reprendre espoir : il ne reste que quatre hommes dans la maison qui n’ont encore rencontré aucun de ses occupants. Tous les autres sont en train de courir se rassembler au-dehors. L’un des hommes de main restant est dans une situation bien plus agréable puisqu’il est avec Mémé, vêtue d’une très jolie et très courte robe, qui le prend pour un certain Robert pour qui elle a apparemment beaucoup d’affection.

_ Et elle, demande Anna, c’est quoi ?

_ C’est juste une vieille dame qui perd la boule.

_ Mais elle n’est pas vieille !

_ Si. Mais elle a loué son âme à un démon pour rester jeune et belle d’apparence jusqu’à sa mort. Du coup, elle est un peu maudite.

_ Un peu ? On peut être maudit juste un peu ?

_ Ben, à part ça, elle a été irréprochable toute sa vie, une vraie sainte… alors elle ne lui appartient plus vraiment. Mais il vaut mieux ne pas essayer de l’embrasser.

_ Il va se passer quoi ?

_ Son démon est très, très jaloux. »

L’homme enlacé par Mémé est bien trop occupé pour s’apercevoir qu’une ombre grandit dans un coin de la pièce. Une ombre épaisse. Cornue. Griffue. Empestant le soufre. Et grondant d’une voix de tonnerre :

« Qui ose toucher à mon âme promise ? »

Ça y est, le malfrat a vu le démon. Et a relâché involontairement sa vessie. Il faut dire que le démon remplit toute la pièce. Son haleine de charogne suinte à travers ses crocs grands comme des avant-bras humains.  Ses yeux aux pupilles en croix rougeoient. Ses mains aux muscles de pierre sont bardées d’écailles tranchantes et se terminent par de longues griffes usées et tâchées de sang. Son apparition soudaine suffirait à terrifier n’importe qui. Sa présence qui perdure, prouvant seconde après seconde que malgré toute logique il est bien réel, fait dépasser les limites de la terreur, ne laissant comme option que la folie ou la panique. L’homme choisit la panique et fuit de toutes ses jambes.

Il croise en chemin un de ses compères et ne prend pas la peine de répondre à ses questions – oubliée la mission, c’est à peine s’il se souvient de son propre nom. L’autre sort son revolver et courre dans la direction opposée pour voir ce qui a bien pu terrifier son complice de cette manière. Il se trompe de pièce – déjà, le fait que cette maison contienne plus de pièces qu’elle n’est sensée en contenir lui tape sur les nerfs depuis un moment – et percute de plein fouet le Baron, qui lui dit :

« Bien le bonjour, mon cher ! Soyez le bienvenu !

_ Bonjour, dit l’homme qui se dépêche de rengainer son arme (il préfère lorsqu’il le peut ne pas mêler des gens innocents à leurs règlements de comptes). Je me suis permis d’entrer, avec d’autres gars… On cherche une femme. Elle s’appelle… elle s’appelle Anna. Restoil. Elle… elle a un… un sac…

Au fur et à mesure le discours de l’homme de main se fait de plus en plus décousu car sa pensée est envahie par l’horreur de ce qu’il voit.

L’homme au chapeau haut-de-forme, qui semblait déjà bien mal au point et pue comme la mort, est en train de perdre sa mâchoire sous ses yeux. La pourriture se révèle aux deux attaches qui cèdent lentement. La mâchoire n’est plus retenue que par les joues. Hors le tissu des joues s’allonge lui aussi. Sans que l’homme ne paraisse remarquer quoi que ce soit.

« Est-ce que je lui dis ? se demande le malfrat. Est-ce que je dois lui dire qu’il est en train de perdre la moitié de sa bouche ? C’est peut-être une prothèse, ou… ou un truc… »

Anna sort définitivement de son esprit quand un asticot se glisse entre l’œil et la paupière du Baron pour ensuite se balader sur le nez.

_Je… parvient à balbutier l’humain, je vais… je vais y aller.

_ Oh, déjà ? Au revoir alors. A fort bientôt, j’espère ! »

L’homme s’enfuit à son tour.

« Il n’en reste que deux, dit Will.

_ Dit, le Baron, c’est un zombi ?

_ Techniquement, oui. Mais en fait c’est un esprit vaudou dans un cadavre. Un type très bien, super intéressant. L’esprit, hein, pas le cadavre. D’ailleurs il va falloir qu’il change bientôt, celui-là date de la St Valentin. Un suicidé. Bon, maintenant je crois que Rosita va s’occuper de ceux qui restent, et voilà ça sera réglé ! On n’aura même pas besoin d’utiliser une arme, finalement.

_ Tant mieux. » affirme Anna avec force.

En bas, les deux rescapés entrent dans une pièce qui sert visiblement de vestibule, ou peut-être de penderie à manteaux. Ils fouillent minutieusement chaque recoin d’ombre. Dans l’un d’entre eux ils tombent sur Rosita, qui leur déclare d’une voix grave, une voix qui parle directement à l’instinct de survie en passant par la moelle épinière :

« Soyez les bienvenus.

Ils braquent leurs revolvers sur elle d’un même mouvement instinctifs, refusant de croire ce que leurs yeux leurs disent : la créature qui leur fait face n’a rien d’humain, elle n’est même pas animale, elle est sortie tout droit des pires cauchemars pour les dévorer vivants. C’est une jeune fille. Son sourire remonte haut et dévoile d’immenses dents. Son visage est recouvert de fourrure. Ses pupilles sont verticales. Ses mains se terminent par de longues griffes noires. Et le seul bruit de sa respiration est beaucoup trop long, beaucoup trop grave, pour venir de cette mince poitrine, il évoque un monstre immense et affamé.

L’un des deux hommes tire. Sa balle touche Rosita en pleine poitrine. La jeune fille pousse un hurlement de douleur et ressemble encore davantage à un loup. Elle titube deux pas. Sa respiration s’est faite sifflante.

« Ne t’en fais pas, dit Will à Anna sous le choc. Elle va guérir.

_ Mais elle a mal !

_ Ben oui. Se prendre une balle ça ne fait pas du bien. Regarde, ça passe. Tu vas pas pleurer quand même ? »

Si, Anna pleure, pourtant l’adolescent a raison : Rosita se remet très vite du choc. D’un seul mouvement d’une rapidité inhumaine elle rafle les deux revolvers et les broient à mains nues.

Elle regarde les deux hommes. Elle montre toujours les dents mais il est maintenant impossible, même avec la meilleure volonté du monde, de croire à un sourire.

« Ça fait MAL ! » dit-elle dans un grondement sourd.

Les malfrats restent pétrifiés. Jusqu’à ce qu’elle gronde vraiment. En plissant encore davantage le museau. C’est un véritable museau qui lui tient lieu de visage à présent. Ils s’enfuient à leur tour. Dans leur dos, Rosita revient à son état humain et fait signe à la caméra que tout va bien.

Mais au-dehors, les hommes oublient leurs terreurs, se rassemblent et s’encouragent…

Ils n’oublient pas vraiment. Aucun d’entre eux n’oserait dire aux autres ce qu’il a vécu, et les deux tombés évanouis font croire que leur retard sur les autres vient du fait qu’ils s’étaient perdus dans ce labyrinthe. Mais ils savent. Leur façon d’éviter de se regarder leur suffit à savoir qu’ils ont tous vécu quelque chose de semblable. Simplement, dans une opération de cette importance, pour une telle somme d’argent, on ne peut pas renoncer.

Surtout quand on a pour patron Edouard Restoil.

Celui-ci sort de la voiture. Il est toujours étonnant de penser qu’un homme aussi quelconque soit un tel meneur. Et pourtant. Entre le contenu horrible de cette maison de fous et la fureur certaine de leur chef, les hommes de mains ne parviennent pas à trancher et préfèrent s’en remettre à lui pour régler le problème. Restoil est bien décidé à faire tomber des têtes dès que possible à cause de ce fiasco, mais pour le moment il veut retrouver sa femme et l’argent, et ce ne sont pas les ‘trucs bizarres’ vaguement décrits par ses employés terrifiés qui vont lui faire peur.

En le voyant sur l’écran, Anna se recroqueville instinctivement sur elle-même. Will lui serre le bras et lui dit :

« Ne t’en fais pas, on n’a qu’à attendre, ils vont bien finir par laisser tomber.

La Mère entre alors dans l’atelier de Will. Visiblement elle n’ignore rien de ce qui s’est passé dans sa Maison et Anna se sent honteuse, sous le regard d’or, d’avoir provoqué une telle pagaille. La Mère lui sourit. Et dit :

_ Non, il faut que ce soit Anna qui affronte son mari, et personne d’autre.

_ Pourquoi ? demande Will.

_ Pour se libérer. Will, arme-la.

_ D’accord, Mère, dit Will avant de se tourner vers Anna. T’entends ? Viens, on va te trouver des trucs bien. »

Des trucs biens, du moins efficaces pour massacrer monstres humains et inhumains, l’adolescent n’en manque pas, mais à moins de prendre un bazooka, Anna est certaine de rater son coup. Jusqu’à ce qu’elle arrive devant cette arme. De manière tout à fait illogique, elle se sent attirée par elle et sait qu’elle saura l’utiliser pour se défendre. Et pour attaquer.

Peu à peu les deux bandes, comme deux armées, se font face. Du coté de la Maison se trouvent ses habitants, plus ou moins menaçants, plus ou moins neutres, dont aucun n’est amical. Du coté du Chemin se trouvent les hommes de main effrayés braquant leurs armes où ils le peuvent sur ces civils qui dépassent leur compréhension. Un accord tacite certifie que l’issue du combat sera décidée par Edouard et Anna Restoil, légitimes époux et aujourd’hui ennemis mortels.

Dans un silence de mort ils se mettent en place. Même Will – qui ne parait pas le moins du monde perturbé par toute cette tension – ne dit rien. Rosita, à moitié transformée, est prête à se jeter sur Edouard, mais elle reste immobile sous la main de la Mère. Edouard n’a peur ni des témoins gênants ni de leurs caractéristiques étranges, tout ce qui le préoccupe maintenant c’est qu’il a enfin remis la main sur celle qui a osé le doubler. Il dégaine son énorme revolver et vise lentement.

En face, Anna est armée d’une lourde épée ébréchée. Pourtant elle n’a pas peur. Pour la première fois depuis des années, elle n’a pas la moindre peur, pas la moindre angoisse, et la route à suivre est tracée dans son esprit avec la pureté du cristal. Elle va tuer cet homme qu’elle hait plus que tout. L’idée de l’échec ne lui vient même pas  à l’esprit.

Lorsqu’Edouard tire, Anna voit la balle et lui donne un coup d’épée aussi facilement qu’elle aurait joué au base-ball. Le morceau de métal tombe au sol, tranché en deux. L’homme sourit comme s’il avait avalé un jus de citron et tentait pourtant de faire bonne figure, et tire à nouveau, plusieurs fois, il s’acharne jusqu’à avoir vidé le chargeur. Parfaitement en vain. Anna n’a pas le temps de s’étonner de sa chance ou de son extraordinaire adresse, elle sait du fond de son cœur que ce n’est pas elle ou l’épée qui a su la protéger des balles mais bien la combinaison d’elle et de l’épée, la juste colère d’Anna donnant vie à la puissance de son arme. Et à présent sa colère va s’exprimer réellement.

La colère d’une vie prisonnière.

La colère devant tout ses crimes.

La colère d’avoir été trop faible pour défendre ses victimes.

La colère, la rage, la haine d’avoir été trahie par celui qu’elle aimait.

L’épée s’enflamme.

Pour la première fois depuis qu’elle le connait, Anna voit une lueur de panique dans les yeux de son mari, qui jette son revolver devenu inutile et tombe à genoux en tentant de se protéger avec les bras. Rempart dérisoire devant la flamboyante vengeance d’Anna qui s’abat sur lui. Il s’écroule, le visage figé dans un masque d’horreur.

Derrière lui certain de ses hommes tentent de menacer Anna et la famille des Enfants de la Nuit. Ils n’essaient pas longtemps. Quand le premier s’enfuit, c’est l’hémorragie dans leurs rangs et très vite ils ont tous pris la poudre d’escampette. Akira s’avance jusqu’à Edouard Restoil et reste quelques instants penché sur lui.

« Il est… balbutie Anna qui commence à peine à réaliser ce qui s’est passé, il est… il est… il est mort ?

_ Oui, dit Akira.

_ Mais… mais… je… on peut pas mourir ici !

_ Ben, explique Will, tu as utilisé une épée de feu. C’est pas pareil. C’est pas des jouets ces machins-là.

_ Anna, dit Mère de sa voix douce, il est temps que tu partes.

La voix est douce mais elle résonne en Anna comme un ordre. Oui, il est temps qu’elle parte. Tout de suite.

Will lui tend son sac de voyage – impossible de dire quand il l’a ramassé, mais Anna serait prête à jurer qu’il ne manque pas un seul billet. Rosita reprend une apparence humaine pour aller lui dire au revoir. Puis chacun lui fait ses adieux, au-dessus du cadavre de feu son mari, et lui souhaite bonne chance pour sa nouvelle vie. Anna pleure et les serre tous dans ses bras, même le Baron malgré son entêtante odeur de putréfaction. Puis elle s’apprête à partir.

Une voix la retient :

_ Et ton paiement ? demande la Mère.

_ Pardon ?

_ Tu dois payer la nuit que tu as passé parmi nous.

_ Ah, pardon, je… je ne pensais pas… heu, c’est combien ?

_ Nous ne nous faisons jamais payer en argent.

_ Mais… vous voulez quoi, alors ?

_ Cherche et trouve.

Son âme, son sang, sa chair, voilà les premières idées qui viennent à Anna, qui les repousse : tous les membres de cette famille lui ont amplement prouvé qu’ils étaient dignes de sa confiance. Des monstres bien moins monstrueux qu’elle-même. Elle vient de tuer. Eux sont restés innocents. Pas inoffensifs, mais innocents. Anna réfléchit à ce qu’elle pourrait bien leur offrir en remerciement de sa liberté. Soudain l’évidence se fait. Prenant un papier et un stylo, elle note quelque chose qu’elle offre à Rosita en lui disant :

_ Tiens, c’est mon adresse e-mail. Quand tu voudras voir le monde et voler de tes propres ailes, contacte-moi et je t’accueillerai. Will aussi, bien sûr. Tu as ma parole.

_ Merci. » dit Rosita qui lui offre pour la dernière fois son éblouissant sourire.

Sur un dernier signe de tête, Anna s’en va.

En regardant une maison, on peut en apprendre long sur ses propriétaires. C’est parfaitement valable pour la Grande Maison au bout du Chemin. Les gens ne savent tout simplement pas tenir compte de ce qu’ils voient.

Lorsqu’Anna se retourne, sur le Chemin, pour voir la Grande Maison, elle comprend fugitivement ce qu’elle est réellement. Un esprit humain n’est pas prêt à admettre la réalité d’une telle image. Loups-garous, démons et zombis suffisent amplement à changer sa vision du monde. Un pas de plus et elle basculerait dans la folie. Alors elle oublie et s’éloigne.

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Commentaires
L
Histoire écrite en 24 jours, une page par jour, en suivant les contraintes données le jour même (des fois qu'on s'avance...) sur le blog http://marathondeslyres.over-blog.com/ . On en refera d'autres, c'était sensass !<br /> Et pour ceux qui ont lu "le chasseur" avant "soyez les bienvenus", oui, l'épee dont se sert Anna est bien l'épee de feu de Lord Sawfeed, que Will a barboté en partant. Je ne savais pas quelle nouvelle mettre en premier, vu que chacune enlève du suspense à l'autre...
Ecriveuse en herbe
  • Envoi d'histoires, textes, nouvelles, scénario de BD et tentative de roman que j'ai écrit. Plus elles sont bien, plus il y a d'étoiles après le titre. Bonne lecture ! (textes protégés donc demandez avant de les utiliser merci)
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