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Ecriveuse en herbe
3 décembre 2006

La reine du ballon **

La reine du ballon

Je vais vous raconter l’histoire d’une petite fille. Elle s’appelait…, non, elle m’a fait jurer de ne jamais parler d’elle. Je vais donc changer son nom, et celui des personnages de cette histoire. Va pour Artémis. Déesse de la forêt, il y a pire pour cette petite elfe… Mais je mets la charrue avant les bœufs. Je vais commencer par vous la décrire, et croyez-moi, elle vaut le détour.

Lorsque j’ai  rencontré Artémis, elle avait 6 ans, la taille d’une maternelle et l’age mental d’une  CM1. On l’a donc mit dans ma classe de CP. Elle avait d’immenses yeux verts, une courte tignasse en pétard d’un roux flamboyant, une peau dorée et de grandes oreilles pointues. Mais le plus étrange, chez elle, étaient ses mains. Elle n’avait que quatre doigts à chaque main, et croyez-moi, ça fait un choc. A part ça, elles étaient parfaitement formées, ses mains, pas difformes ni rien, mais on aurait des mains de personnage de dessin animé. Ce qui explique peut-être son écriture fantastique, qui reflète parfaitement l’état d’esprit dans laquelle elle est quand elle écrit. Je me souviens qu’une fois… hum, bref, ce n’est peut-être pas le moment de parler de ça.

Son histoire, maintenant. Je ne l’ai apprise qu’au fur et à mesure de l’année, durant les rares fois où elle m’a fait des confidences. Il me manque encore pas mal de morceaux, mais j’ai pus reconstituer, à peu près, de quel conte elle est issue. C’était difficile, tout le monde m’a beaucoup menti, Artémis la première, mais elle a fini par cracher le morceau.

Elle était moitié elfe, moitié humaine. Bon, évidemment, à l’aube du XXIème siècle, c’est dur à croire, mais… c’est la pure et simple réalité. Sa mère était une princesse guerrière, un général en gros, et son père un sage, un des rares humains admis dans ce royaume caché. Des troubles politiques, dont je n’ai pas bien saisi la source, ont plongé le royaume dans une révolte. Pour mettre Artémis en sécurité, le père la confia à sa sœur, qui lui fit faire de faux papiers et l’inscrivit à l’école de village, pour l’occuper. J’imagine que garder ce petit tourbillon à la maison était trop dur. Moi-même, par moment, j’ai l’impression que si elle mettait autant d’énergie à apprendre qu’à courir dans les couloirs, elle serait déjà en CE2.

La première fois que j’ai vu Artémis, c’était, bien sûr, pour la rentrée des classes. Elle vivait au village depuis trois mois et les rumeurs les plus folles courraient sur elle, de l’extraterrestre au clone mutant. C’est étrange que personne n’ait pensé aux elfes. Ils sont passés de mode, mais elle a vraiment le physique de l’emploi.

La directrice m’avait longuement sermonnée sur l’importance de faire accepter cette petite par les autres élèves. Elle m’avait expliqué de nombreuses fois que, les CP allant à l’école pour la première fois de leurs vies, ils étaient moins ‘‘civilisés par la société’’. Traduction : les mômes sont des brutes d’instinct, et l’école en fait des adultes responsables. Tu parles !

Pour moi, les enfants ne sont que le reflet des adultes qui les entourent. Certain sont, par nature, bon ou mauvais, mais ils calquent leur attitude sur le modèle le plus proche. Si les professeurs avaient critiqué Artémis ou même avaient souri d’elle, elle aurait sans doute eut de gros problèmes, mais tout le monde la traitait comme une petite chose fragile dont il fallait prendre grand soin, et surtout traiter comme les autres. Les enfants s’improvisèrent donc ses protecteurs, ou firent semblant de ne pas la voir, pour le plaisir de rappeler à l’ordre quiconque faisait mine de la dévisager. En ce jour de rentrée, sermonnés par leurs mamans, ils obéissaient tous, cas exceptionnel dans une cour de récréation. Je pense qu’ils étaient soulagés d’avoir une ligne de conduite facile à tenir pour savoir comment réagir face à l’étrange créature qu’était Artémis. Et surtout, quand on a six ou dix ans, il est agréable de savoir qu’on est du coté des gentils.

Les élèves jouaient donc les adultes avec un enthousiasme comique. Il y avait ceux qui regardaient partout, sauf là où elle était. Ceux qui faisaient comme si elle était invisible. Et ceux qui, avec un naturel feint, allaient lui parler, lui proposer de jouer avec eux, lui demander un nom qui courrait sur toutes les lèvres… Une autre gamine se serait posé des questions, ou aurait fondu en larmes. Mais Art, comme elle accepta vite qu’on l’appelle, était détendue, debout contre sa tante, répondait à toutes les questions avec un sourire poli et semblait bien s’amuser de provoquer tant d’intérêt.

De mon coté… et bien, j’entrais plutôt dans la catégorie de ‘‘ceux qui ne voient absolument rien d’anormal chez cette petite’’. Je fis mine de la traiter exactement comme les autres, alors que mes coups d’œil (enfin, je suppose) étaient aussi discrets que ceux de ma directrice, qui la couvait d’un regard maternel. Je fit entrer mes petits élèves dans ma classe. C’est un moment toujours difficile, surtout dans ce village où il n’y a pas de maternelle, et où les enfants restent chez eux jusqu’à l’âge fatidique. Beaucoup pleuraient, accrochés à leur mère. Pas Art, bien sûr. En fait, c’est la deuxième chose qui m’a intriguée chez elle, juste après son physique : son extraordinaire sang-froid. Elle embrassa sa tante et, sans se retourner, entra dans la classe. Du coup, les autres enfants l’ont suivie, sauf un petit gros qui hurlait sa peur longtemps retenue par les ‘‘méchant garçon !’’ de sa mère. Il s’appelait Thomas et était persuadé qu’Artémis était la fille d’un ogre.

Je finis, bien entendu, par le calmer et par le convaincre d’entrer dans la salle de classe. Il eut un frémissement en passant devant Artémis, mais ne dit rien et s’assit sans un mot. Je remarquais qu’elle s’était assise au fond, seule, et qu’elle avait légèrement déplacé son bureau pour être exactement contre la fenêtre. Jamais je n’avais vu une telle audace un jour de rentrée, en tout cas pas chez les CP. Je me penchais vers elle ; c’était la première fois que je lui adressais la parole :

« Excuse-moi, Artémis, mais… Tu ne veux pas t’asseoir à coté de quelqu’un ?

Dans mon dos, je sentis tous ceux qui n’étaient à coté de personne frémir. Elle se tourna vers moi (Seigneur ! Quels yeux !) et me répondit, avec son sourire ferme et poli qui allait devenir son passe-partout :

_Non merci, madame.

(Un soupir de soulagement s’échappa dans mon dos). Elle se tourna vers la fenêtre, estimant son devoir terminé, et je me souviens m’être dit, sans oser faire de commentaires, qu’elle était bien impolie. J’ignorais, à ce moment-là, le temps et les promesses engagés par sa tante pour obtenir le merci, le madame et le sourire. La politesse n’a absolument aucun cours chez elle, où on dit ce qu’on pense, tout simplement. Je repensais à ma directrice qui m’attendait au tournant, et revint lourdement à la charge :

-Et tu ne veux pas que quelqu’un se mette à coté de toi ?

Comprenant que je n’avais pas saisi son désir d’être seule à sa table, elle me répondit aussi fermement que tout à l’heure, en me regardant droit dans les yeux, avec ce culot des jeunes enfants habitués aux adultes :

_Non »

Ce fut tout notre échange durant cette semaine-là.

J’ai longtemps cru, comme les autres, qu’Artémis était handicapée, et je la traitais avec des précautions qui rendaient cette gamine complètement dingue. Je m’adressait tout spécialement à elle, je la faisais répéter, le tout avec un écœurant sourire sucré. Son total désintérêt pour mes leçons ne venait absolument pas d’un manque d’intelligence, mais elle n’en saisissait pas l’utilité, tout simplement. Regarder les arbres par la fenêtre, guetter les oiseaux, suivre les chats des yeux… Voilà ce qui passionnait cette fillette. Elle m’obéissait parce qu’on lui avait dit de le faire. Point final.

Durant la classe, les élèves évitaient de la regarder, sauf si je l’interrogeais, mais si il lui fallait un partenaire pour une activité, ils étaient tous d’accord (sauf Thomas). Ses plus fervents admirateurs, ceux qui aurait donné n’importe quoi pour pouvoir se vanter, le temps d’une récré, d’aider ‘‘cette pauvre Artémis’’, étaient le petit Léo et sainte Myriam. Léo l’admirait parce qu’il était ravi de voir quelqu’un encore plus petit que lui. Myriam était une gamine qui voulait devenir infirmière et dont la passion était de poser des mouchoirs mouillés sur les bobos de ses camarades. Tous les deux aurait été prêts à se battre pour Art, qui les évitaient comme la peste.

Dans la cour, la situation était différente. Le jour de la première récré, une bande de CE2 ne trouva rien de plus amusant que de traiter Artémis de tous les nom de science-fiction qui leur passaient par la tête. Elle commençait à peine à leur donner un exemple de son répondant quand la directrice et maîtresse des CM1-CM2 jaillit comme une fusée de son bureau, attrapa la petite, me la confia pour que je la remette en classe et se lança dans une homélie aussi passionnée que ridicule, qui suffit pourtant à refroidir les ardeurs.

Dans la classe, je n’entendais rien, mais pas Art, qui avait l’ouïe très fine (sans jeux de mot). Elle ne me le dit que bien plus tard, mais je vit bien son visage se crisper et son front se plisser. Elle avait du mal à supporter que la directrice la décrive comme ‘‘une pauvre victime’’, quelqu’un ‘‘qui ne pourrait  survivre, dans cette société si dure, sans votre protection à vous, les enfants’’, et surtout qu’elle affirme que ‘‘cette malheureuse enfant n’étant pas en état de se défendre’’… Enfin, vous avez saisi le problème. Quand on est la fille d’une princesse guerrière et qu’on ambitionne d’en être une un jour, ce genre de chose a du mal à passer. Surtout à six ans.

En tout cas, ce discours fut efficace : durant toutes les autres récrés qui suivirent, les élèves furent aussi gentils et sucrés avec elle que les professeurs. On l’invitait à tous les jeux, on la laissait gagner sans se battre réellement, on interdisait à quiconque de la contredire, bref chacun faisait de son mieux pour lui rendre la vie agréable. Hélas, Art n’appréciait pas ces efforts à leur juste valeur, et supportait difficilement qu’on l’infantilise. Chaque soir, elle pulvérisait des records de vitesse jusqu’à la sortie. La situation a durée comme ça jusqu’en octobre.

Je me souviens encore de la date… C’était le mardi 13 octobre, en fin d’après midi. Tous mes petits élèves copiaient les mots que j’avait écrit au tableau. Dehors il pleuvait. La classe était calme. Du coin de l’œil, d’un mouvement dont j’avais pris l’habitude, je surveillais Art. Et c’est là que je la vit s’éclairer.

Moi qui suis institutrice de CP, j’ai l’habitude guetter, vers la fin de l’année, le moment magique où ils s’éclairent, où ils comprennent enfin le sens de toutes ces courbes et ces bâtons, le sens de l’écriture, le moment où ils apprennent à lire. Ce petit déclic discret est le secret de la classe de CP, c’est pour ça que je l’ai choisi. Mais jamais, au grand jamais, aucun enfant n’a réussit à savoir lire avant même de connaître l’alphabet par cœur. Aucun sauf Artémis.

Il fallait que je m’en assure. Je l’appelais, et elle tourna vers moi ses grands yeux fiévreux et fascinés, sans doute le même regard que Champollion quand il a percé le secret des hiéroglyphes.

« Et bien, Art, que se passe-il ?

_J’ai compris.

Sa voix n’était plus qu’un murmure.

_Qu’as-tu compris ?

_Tout.

_Pardon ?

_Comment ça marche, tout ça. Alors, la lettre fait le son, et avec les autres, elle… »

La cloche sonna, interrompant son exposé avant que les autres ne réalisent ce qu’elle avait accompli. Elle avait déjà rempli son cartable (je ne donne pas de devoirs, au CP), quand je l’arrêtais et lui demandais de rester un peu. Cette histoire ne me paraissait pas claire du tout. Tous les autres traînaient pour entendre notre conversation, mais je n’ai rien dis tant qu’il en restait dans la classe. Finalement, j’ai interrogé Artémis. Elle était toute excitée par sa découverte, et ce fut ce qui me retint de l’accuser de tricherie, d’avoir appris à lire avec sa tante ou allez savoir qui. A la place, je souris et je la félicitais d’avoir été aussi rapide. Brusquement, elle voulu tout savoir, me faire répéter toutes les leçons qu’elle n’avait pas prit la peine d’écouter. Je lui promis de l’aider dès le lendemain.

« Tu sais, Artémis… ce que tu as accompli est très rare, si tôt dans l’année. Je dois admettre que je suis soulagée qu’avec ton handicap…

Ce mot ne me fut jamais pardonné.

_Ah non ! s’exclama-t-elle, blessée. Non et non ! Pas vous !

_Comment ça, pas moi ?

_Vous ne pouvez quand même pas croire que je suis désavantagée par-rapport aux autres, alors je viens de vous prouver le contraire !

Jamais je ne vis autant de détermination dans un regard d’enfant. De la détermination, de la colère, de la peine de se voir rejetée, alors qu’à son avis, elle aurait dût être suivie, être le chef. C’est alors que je réalisais que je venais de ‘‘plonger’’ dans son regard, et qu’il était bien plus expressif que tous les discours qu’elle aurait put me tenir. Avec l’innocence de ses six ans, elle pensait que le fait de courir plus vite et plus longtemps, avoir plus de répondant et savoir lire avant les autres prouvait qu’elle leur était assez supérieure pour prétendre diriger au moins la classe.

Je décidais de mettre de coté l’étrange moyen de locomotion de son message pour ne m’intéresser qu’à son contenu.

_Peut-être que toi, tu estimes être meilleure que les autres, mais comment ils peuvent le savoir ? J’ai du mal à comprendre d’où tu viens et qui tu es, mais ici, tu vois, on juge les gens sur leur apparence. Et la tienne ne plaide pas en ta faveur. 

Son regard interrogateur me mit mal à l’aise l’espace d’un instant, mais je me repris.

_Et oui, ma petite, c’est comme ça. Dans un film, on t’aurait sans doute traité d’extraterrestre ou de mutante. Des tonnes de gens te voudraient pour des expériences, ou pour de lancer des pierres, ou encore pour être tes meilleurs amis, selon l’imagination de l’auteur. Mais ici, vois-tu, c’est la réalité. Les gens sont raisonnables, les enfants aussi d’ailleurs. Pour eux, quelqu’un qui n’a pas la même tête qu’eux a un problème, et chercher à lui rendre la vie agréable est un moyen facile de se sentir vertueux.

_Ca veux dire quoi ?

_Ca veux dire : très gentil. Mais là n’est pas le problème. (Je fis une pause, respirais un grand coup et repris mon discours). Le problème, c’est qu’il ne va y avoir une mission qui, par chance, dévoilera au monde quelle fille géniale tu es en réalité. Personne ne va chercher à quoi tu penses quand tu regarde par la fenêtre. Si tu penses vraiment que tu es capable de faire parti d’un groupe en tant que membre actif, et bien vas-y. Prouve-le.

J’ignorais, bien sûr, que je venais de lui lancer un défi. Elle me regarda encore dans les yeux, mais cette fois-ci, pas pour me transmettre un message. Elle me jaugeait. Jamais encore je n’avais eu l’impression d’être soupesée, mise à nu et passée aux rayons X en même temps. D’après Artémis, ce qu’elle me confiera plus tard, sa mère est capable de faire bien mieux, mais cet examen était assez fouillé pour que je me sente extrêmement mal à l’aise. Mais apparemment, il fut concluant, puisqu’elle me sourit et se mit, à partir de ce moment-là, à me faire confiance.

L’école continua, sans changement notable en apparence, à par qu’Art ne fonçait plus comme un boulet de canon dès que la cloche retentissait, mais restait un peu avec moi pour que je lui explique deux trois choses. En lecture, elle continuait à faire des progrès remarquables, mais se fichait toujours de savoir compter plus loin que vingt, de remplir ses fiches avec la bonne couleur ou de savoir une chanson par cœur. Les autres enfants ne se rendirent donc pas compte de ses progrès. Comme elle me l’avoua plus tard, elle se sentait bien en classe, mais elle avait un plan pour se faire respecter dans la cour. En effet, la plupart des autres enfants, lassés de jouer les bons samaritains, lui avaient tourné le dos pour jouer entre eux, et elle se retrouvait souvent seule. Cette situation ne lui aurait absolument pas pesé sans les regards apitoyés des maîtres et maîtresses, qui la considéraient toujours comme une victime, malgré mes remarques.

Il faut maintenant que je raconte un épisode qui s’est passé un peu plus tard, qui n’a pas vraiment de lien avec le reste puisque personne n’était au courant (officiellement). C’est Artémis elle-même qui me l’a raconté, même si elle ne s’est pas donnée la peine de démentir devant tout le monde. Un soir, elle a vu un ‘‘grand’’, Damiens, 10 ans, redoublant de CM1, qui secouait le petit Léo pour lui faire cracher son argent de cantine. Ne faisant ni une ni deux, Art lui fonça dessus, le fit tomber et lui mordit l’oreille assez fort pour lui faire passer l’envie de s’attaquer à plus petit que soi.

Damiens lâcha Léo, bien sur, mais le temps que le petit arrive avec les secours, il avait repris le dessus. Tenant Artémis par les poings, il grimaçait sous l’effet des coups de pieds que la gamine lui donnait dans le ventre. Ils finirent tous les trois, bien entendu, chez la directrice.

Entre-temps, Damiens avait promis à Léo la raclée du siècle s’il l’accusait. La pauvre Artémis fut donc taxée de folie furieuse, la version officielle affirmant qu’elle avait foncé sur Damiens sans la moindre raison, et l’avait forcé à se défendre. La tante d’Art fut convoquée, et on décida de garder l’affaire secrète. Très vite, une rumeur se répandit dans la cour, mais l’idée que ce petit bout de femme ait put attaquer le grand Damiens et en sortir vivante était si absurde que très vite, la rumeur passa à la trappe.

Peu de temps après, Damien déménagea, emportant le secret avec lui. Léo aurait été ravi de dévoiler au monde le courage d’Artémis, mais elle le lui interdit, allez comprendre pourquoi. Cette affaire n’ayant eu aucune répercussion sur la suite du programme, vous vous demandez sans doute pourquoi je vous en parle. Tout simplement pour vous montrer quel genre de petite fille était Artémis, et à quel point elle était têtue, fonceuse et assez douée pour la bagarre. Tenir tête à une brute deux fois plus grande et trois fois plus lourde qu’elle est un record sans précédent. Bien sûr, elle s’apprêtait à faire mieux. Mais ça, je ne pouvais pas le savoir.

Artémis avait fait un calcul très simple. Pour prouver au monde son talent, il fallait le démontrer face aux meilleurs, aux rois de la cour : les CM. Et pas n’importe lesquels : les footballeurs en herbes, ceux qui passent récrés après récrés à taper dans un ballon. Le temps où, apparemment, elle jouait seule avec sa baballe fut en fait un temps d’observation des règles et d’entraînement : elle devait être la meilleure pour ce faire accepter dans ce groupe qui n’acceptait ni les CP, ni les petits, ni les filles, ni les enfants pas comme les autres. Elle s’était trouvé un défi à sa hauteur.

Bien sûr, je le lui déconseillai dès qu’elle m’en parla, lui prédisant une cuisante défaite. Ne préférait-elle pas jouer à l’élastique avec Laure et ses copines ? Ou à la corde à sauter avec Tiffany ? Voir même aux billes, si elle tenait à un jeu de garçon. Mais, inflexible, elle répondait toujours : le foot avec les CM. Rien ne put la faire changer d’avis, comme vous allez le voir…

Artémis était le genre de gamine à foncer droit au but, et pas seulement sur un terrain, même si c’est un bon résumé de sa tactique. Aussi, lorsqu’elle s’estima prête, elle alla du coté de la cour des grands, se planta en face du capitaine d’une des deux équipes et lui demanda, en le regardant droit dans les yeux, si elle pouvait jouer avec eux. Tout simplement.

Le soir même, elle m’affirma avoir toujours su ce qui arriverait, mais qu’il fallait bien qu’elle essaie… Personnellement, je n’y croie qu’à moitié, mais bon. Toujours est-il que Benji la contempla avec des yeux ronds, avant de se mettre à rigoler. Il avait détourné les yeux pour faire part de ses réflexions hilarantes au reste de la troupe, mais quand il la regarda, son regard furieux le mit étrangement mal à l’aise, comme si elle l’avait frappé physiquement. Ses cheveux se hérissèrent très nettement, et il se mit à engueuler Artémis comme du poisson pourrit. De quel droit elle voulait se mêler aux grands ! Non, mais, elle était pas bien dans sa tête ! D’autres gentillesses du même genre auraient suivi, si le capitaine de l’autre équipe n’avait pas pris sa défense, expliquant qu’elle était malade à Benji, d’un ton tellement compatissant qu’elle en rougit de honte.

« C’est pas vrai, d’abord !

_De quoi ?

_Que je suis malade. C’est pas vrai. Je peux tous vous ratatiner, si ça me chante. (Elle leva le menton dans un geste de défi). Et je vais vous le prouver ! »

Franche rigolade chez les footballeurs. C’est vrai que se voir lancer un défi par une fille qui vous arrive au nombril, qui n’a que huit doigts et une solide réputation de fêlée, ça doit être hilarant pour ces gamins.

Il y a une règle d’or, lorsqu’on se trouve face à un elfe ou un demi-elfe : ne jamais rire de ses défis. Les CM l’ignoraient. Ils l’apprirent vite.

Sans leur laisser le temps de réagir, Artémis fonça sur le ballon qui traînait par terre et s’enfuie, balle au pied. Le temps que les footballeurs réalisent ce qui venait de leur arriver, elle était déjà dans la cour des petits, un pied sur le ballon, en train de leur faire un magnifique pied de nez à quatre doigts.

« Attrapez-la ! » fut tout le commentaire de Benji. Les deux équipes foncèrent sur Artémis, dans le but évident de transformer cette rebelle en patée pour chat. Jamais de toute leur scolarité ils n’avaient vu un CP, et une fille par-dessus le marché, faire preuve d’une telle audace. Jamais non plus ils ne virent une telle virtuosité : seule contre tous, dans les limites closes de la cour, elle leur échappa pourtant. L’exploit était d’autant plus remarquable qu’elle respecta scrupuleusement les règles du foot. Pas question de mettre le ballon sous son bras et de tirer parti de sa vitesse ! Non, toujours avec le pied. A un moment, coincée, elle fit une passe au petit Léo qui, affolé, ne trouva rien de mieux à faire que de la lui renvoyer. Seule la cloche parvint à interrompre cette course folle. En l’entendant, Art s’arrêta net. Elle était sous le poteau de basket, dans la cour des grands. Benji et Kévin, les deux capitaines, la scotchèrent sur le sol. Elle ne se débattit pas et se contenta de dire :

« C’est bon, je vous la rends, votre baballe… Et la prochaine fois, je pourrai jouer ?

_Toi, t’as intérêt à te faire oublier, la prochaine fois, parce que si tu retouches à ce ballon, je te tue. » répondis sobrement Benji. Je crois qu’il le pensait.

Il en fallait plus, pour abattre Artémis, que de ne pas reconnaître ses mérites et de lui faire une réputation de folle dangereuse dans toute la récréation. Elle avait même l’air plutôt satisfaite d’avoir réussi à tenir en échec les CM, et ce devant toute la cour ébahie. Aussi, dès le lendemain, elle tenta une nouvelle approche : le chantage. Rien n’aurait put la détourner du défi qu’elle s’était fixé.

Pour réussir, il lui fallait quelque chose qui avait beaucoup de valeur pour les CM. Elle choisit le ballon. C’était un beau ballon presque neuf, et Benji y tenait comme à la prunelle de ses yeux. D’ailleurs, s’il avait su qu’Artémis l’espionnait depuis les buissons, il ne l’aurait sûrement pas posé par terre, même le temps de choisir les équipes.

Avant qu’il ait eu le temps de dire ouf, la petite elfe était sur lui, bien décidée, cette fois, à laisser tomber les règles du foot. Saisissant son butin à deux mains, elle passa la cinquième et se retrouva au pied du mur de l’école, les CM sur ses talons. A leur tête, Benji essayait de la tuer avec ses yeux, en attendant de l’achever avec ses poings. D’un shoot magistral, Artémis expédia le ballon sur le toit et, avant de se faire rattraper, le suivit en grimpant le long de la gouttière, sous le regard médusé des enfants qui devaient bien admettre que, si handicap elle avait, c’était surtout dans sa tête. Voler la balle des CM était considéré comme une preuve plus que suffisante de démence.

Là-haut, bien installée sur le rebord du toit, Artémis contemplait l’agitation qu’elle avait provoquée, un large sourire aux lèvres. C’était le genre de fille à aimer qu’on s’intéresse à elle. Assise sur son manteau, elle brandit le ballon. Tous les éléments étant en place, le chantage pouvait commencer.

« Tu pourras pas toujours rester là-haut ! s’époumonait Benji. Dès que tu descends, on te fait la peau !

_Et si je descends sans le ballon, comment tu vas t’y prendre pour aller le chercher, banane !

_T’as pas intérêt à faire ça !

_Et toi, t’as pas intérêt à me toucher, sinon à toutes les récrés je recommence, je te préviens !

Cette allusion finement dissimulée au fait qu’elle avait réussit à voler le ballon deux fois de suite provoqua des remous dans la foule. Benji se mordit les lèvres. Il n’avait pas le choix, mais refusait d’avouer sa défaite devant toute la cour qui retenait son souffle. Pas question !

_Si tu lances pas le ballon tout de suite, je vais le dire au pion, je te préviens !

Erreur stratégique fatale.

_Cafteur ! Sale cafard, même pas capable de discuter avec une petite CP sans sa maman pour le changer ! Ouh, le bébé ! chantonna son adversaire sur l’air traditionnel. Benji blêmi de fureur. C’était à elle de le menacer de prévenir le pion (qui prenait sa pause café en attendant les dénonciations, comme d’habitude). Et c’était à lui de chanter ‘‘cafteuse, sale cafard…’’ maintenant, tous les enfants se moquaient de lui !

Voyant son ami perdre la face, Kévin prit les choses en main.

_OK, Art ! Qu’est ce que tu veux ?

_Je veux jouer dans l’équipe de Benjamin !

Le coup était dur ! Même la dirlo n’osait pas appeler Benji Benjamin (mais dans son cas, c’était parce que son père était haut placé dans l’Education Nationale). Mais elle brandissait toujours le ballon, et ils n’avaient pas le choix. Il fallait négocier.

De toute façon, si Kévin acceptait, il ne perdrait pas que l’honneur : avec une joueuse pareille en face, son équipe n’avait pas la moindre chance de vaincre enfin celle de Benji. Bien sûr, il fallait éviter que le garçon ne la réduise en morceaux avant.

_Ecoute, Art… On va en discuter, avec toute l’équipe. Tu fais pas de bêtises, hein !

_T’inquiète, je vais pas m’envoler. Je vous attends.

Lorsque Kévin parlait de réunion  avec toute l’équipe, c’était surtout Benji. Il eut beau lui démontrer, point par point, qu’ils n’avaient pas le choix, qu’elle était douée, qu’une récré était vite passé et qu’il paraîtrait généreux aux yeux des autres, rien ne put faire changer le capitaine d’avis : ils allaient attendre qu’elle descende et lui casser la figure. Jamais elle ne leur reprendrait le ballon, il le garantissait.

Finalement, voyant qu’il ne tirerait rien de cette tête de mule, Kévin eut une autre idée. Il rompit résolument le cercle et s’avança vers le mur.

_Artémis !

_Oui ?

_OK, t’as gagné. Tu peux jouer avec nous. Je te prends dans mon équipe. »

Murmures dans la foule. Tous les enfants attendaient la réaction de la petite elfe, passionnés. Benji pris une teinte rouge brique. Kévin retint son souffle. Artémis était encore en position de force, elle pouvait très bien laisser le ballon là ad vitam aeternam. D’un autre coté, si elle laissait passer l’occasion, elle était cuite : elle ne pourrait plus jouer qu’avec des maternelles. Tout le monde aurait peur et détesterait une gamine aussi petite qui impose sa loi aux CM.

En fait, je ne crois pas que se soit ça qui ai convaincu Artémis de descendre. Ca m’étonnerais qu’elle ait tenu le même raisonnement que Kévin. Seulement, elle savait ce qu’il en coûtait de perdre la face devant les plus petits que soit, et elle décida d’accepter pour montrer à Kévin qu’il avait raison de lui faire confiance (et pour avoir une chance de battre Benji). Bref, elle attrapa le ballon, le calla sous son bras et entrepris de redescendre en se tenant à la gouttière de sa main libre. La foule la suivit des yeux, émerveillée.

Une fois à terre, la fillette lança le ballon à Benji, qui faillit s’étrangler de rage. Chaque geste venant de cette petite insolente lui apparaissait comme un signe de défi mais il ne pouvait pas défaire la parole engagée par Kévin, pas devant tout le monde. Un sourire mauvais se dessina sur ses lèvres. Ah, elle voulait jouer ? Et bien qu’elle joue, et qu’elle morde la poussière !

Sans un mot, ils allèrent tous sur le terrain. Les autres enfants les suivirent. Jamais un match de récréation n’avait eu un tel succès. Même les jumelles lâchèrent leurs cordes à sauter pour assister au spectacle.

« Prêts ?

_Vas-y ! »

La balle était lâchée. Les fauves aussi.

Artémis fut la première à atteindre le ballon. Elle le perdis presque aussitôt, quand le coude de Benji  tenta de lui décoller la tête. Elle se contenta de tomber, mais ça  ne faisait pas de bien, ni aux genoux, ni au moral. Furieuse plus que blessée, elle rattrapa la mêlée dans un sprint magistrale, se faufila en entre les jambes et réussi un truc dont j’ai oublié le nom, mais en tout cas elle a put avoir le ballon assez longtemps pour faire la passe à un membre de l’équipe démarqué, qui la passa à Kévin, qui fit but.

Le jeu dura ainsi un certain temps. Personne, que ce soit d’une équipe ou de l’autre, ne faisait la passe à Artémis, qui n’avait le ballon que quand elle arrivait à le prendre à l’équipe adverse. Elle ignorait tout de cet exercice mais s’avéra très vite douée, comme pour le reste, d’ailleurs. Cependant, seule et fragile au milieu d’une bande de brutes, elle était forcée de la passer dès que les autres menaçaient de la piétiner. Certes, elle jouait au foot avec les CM, et c’était plus que n’aurait jamais osé rêver un CP normal, mais elle savait bien que sa gloire resterait éphémère, même si je doute qu’elle connaisse ce mot. Pour prouver aux autres qu’elle était réellement aussi bonne qu’elle l’affirmait, il fallait qu’elle marque, et qu’elle marque tellement que Kévin la reprendrait dans son équipe et que Benji en mangerait son caleçon.

La cloche allait bientôt sonner. Concentration maximale… Artémis attrapa le ballon. Visa. Tira. Un but parfait. Dans ses propres cages.

Son seul commentaire, lorsqu’elle réalisa, fut un gros mot rigoureusement interdit à l’école. Quant aux autres… Un gigantesque éclat de rire retenti dans toute la cour. Tout le monde riait, sauf l’équipe de Kévin qui aspergeait Art de commentaires acerbes. Elle, droite comme la statue de la liberté, faisait semblant de ne pas entendre, mais souffrait de son échec. Le défi était peut-être trop dur pour elle. En tout cas, jamais on ne la reprendrait dans aucune équipe.

Elle avait échoué.

Aux récré suivantes, elle continua à tourner autour des CM, mais en essayant de ne pas trop se faire remarquer. Tous se moquaient d’elle, oubliant son extraordinaire virtuosité pour ne se rappeler que son fameux but, oubliant même que tous les footballeurs de récré font ce genre d’erreur au moins une fois dans leur scolarité. Seul le petit Léo continuait à croire en elle, et elle continuait à l’éviter machinalement. Ca aurait put durer jusqu’à la fin de l’année. Elle aurait pu, aussi, retenter sa chance. Mais le hasard en avait décidé autrement.

Le hasard s’arrangea pour que les CM soient défiés par la classe des sixièmes. En temps ordinaire, ils s’ignoraient les un les autres le plus possible : ils n’étaient plus dans le même établissement, et les sixièmes devaient prendre un bus tous les jours. Mais Benji, toujours aussi sûr d’être le maître du football, ne trouva rien de mieux à faire que de défier le chef de l’autre équipe. Quand ils entendirent ça, les autres faillirent avoir peur, mais leur capitaine leur assura qu’ils étaient plus nombreux et que la victoire était à portée de la main. La rencontre était prévue dans un champ, par-là, le mercredi suivant à deux heures. En entendant ça, Artémis eu un sourire. Elle y serait, rien que pour le plaisir de voir enfin Benji mordre la poussière. 

Plus tard, j’ai eu droit à un compte rendu extrêmement détaillé du match. Je n’y ai quasiment rien compris, sauf une chose importante : les CM étaient très mal partis. Nombre d’entre eux n’avaient pas put convaincre leurs mères de les laisser sortir, et les autres étaient terrorisés pas leurs adversaires, dont le capitaine, Jonathan, était réputé invincible. En tout cas, il était très grand, très fort et très méchant.

Le score était de 6 à 0. Deux CM étaient à terre, abattus par d’autres joueurs assez violents. Benji engueulait Kévin comme du poisson pourri : s’ils ne trouvaient pas un autre joueur, ils devraient déclarer forfait. En entendant ça, Artémis sauta de l’arbre où elle s’était installée pour proposer sa candidature. Benji n’avait pas le choix, et il accepta, après lui avoir fait promettre de ne surtout pas tirer. Elle était là pour le chiffre, point final. Art promit tout ce qu’il voulait avant de prendre place sur le ‘‘terrain’’. En la voyant, les sixièmes ouvrirent des yeux ronds. Ils allaient lui demander de dégager et de laisser les grands jouer quand elle se planta dans l’air en les regardant d’un air mauvais. Comprenant que cette demi-portion même pas terminée comptait leur tenir tête, ils éclatèrent tous de rire. Mal leur en pris, car en les voyant se moquer d’elle, Artémis décida de passer outre sa promesse et de leur faire ravaler leur orgueil. Il fallait qu’elle frappe là où ça faisait le plus mal : dans les cages.

« On y va ! » lança Benji. La suite de la partie fut mémorable. Artémis se surpassa, toujours là où on ne l’attendait pas, elle volait le ballon avant que son précédent propriétaire ai le temps de dire ouf et le passait à un joueur démarqué que personne n’avait vu, sans que les autres ait le temps de rien voir venir. Enfin, je le décris tel que je me l’imagine après avoir vu Artémis jouer. Les CM marquèrent point après point et, très vite, ils furent tous à égalité. 7 partout.

Pause. Les sixièmes, outrés, demandèrent le renvoi immédiat d’Artémis, qui profita du fait incroyable de voir Benji prendre sa défense. De toute façon, il n’y avait aucune règle qui interdisait une joueuse après l’avoir acceptée, juste parce qu’elle était douée. La meilleure solution aurait été de s’arrêter là, mais les enfants ne jouent pas pour faire des compromis mais pour gagner. On fixa un délai de temps à dix minutes, et le jeu repris.

Cette fois, ses adversaires s’attendaient à ce qu’Artémis les attaque, et passèrent leur temps à la coller et à l’empêcher de bouger. Impuissante, elle les empêcha cependant de trop s’approcher des buts de son équipe. Finalement, comprenant qu’ils n’arriveraient pas à marquer et à la surveiller en même temps (et après qu’elle eu évité de nombreux coups de coude et croches-pieds meurtriers), ils l’abandonnèrent pour foncer sur Kévin, qui avait le ballon. Il ne restait que cinq minutes de jeu.

Kévin, voyant  six malabars se jeter sur lui, chercha désespérément quelqu’un à qui il pourrait passer la balle. Art avait filé entre les jambes de plusieurs joueurs, et elle était démarquée. Pas le choix. Il fit la passe.

Tenant enfin sa chance, la fillette shoota si fort que, plus tard, le goal se plaignit qu’elle lui avait cassé un doigt. En tout cas, le ballon lui échappa et, pendant que Jonathan jetait sa casquette par terre de rage, tous les CM portaient Art en triomphe. Elle avait fait plus que renverser le score, elle avait prouvé qu’elle était la meilleure, et elle avait échappé à Jonathan lui-même. Jamais les sixièmes ne se remettraient de cette patée.

En tout cas, plus jamais personne ne se moqua de ‘‘la reine du ballon’’.

FIN

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Commentaires
L
Ecrit en 2000 à peu près. Je reste très attachée à ce personnage et je persiste à penser que c'est une bonne histoire. Simplement je n'ai pas su la raconter, on ne rentre pas dedans...
Ecriveuse en herbe
  • Envoi d'histoires, textes, nouvelles, scénario de BD et tentative de roman que j'ai écrit. Plus elles sont bien, plus il y a d'étoiles après le titre. Bonne lecture ! (textes protégés donc demandez avant de les utiliser merci)
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