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Ecriveuse en herbe
2 décembre 2006

La fuite **

La fuite

Une ombre vient de passer sous la fenêtre. Il fait nuit, mais la pleine lune éclaire la ruelle. Une ombre vient de gronder après le chat. Il fait noir, il fait froid. Sous sa fourrure épaisse, l’ombre ne sent pas le froid.

Il lève son museau et d’un sourire salut la lune.

Un bruit. Quelqu’un qui s’est évanouit. Une femme. Belle, brune, blonde ou laide, il ne sait pas. Mais il a peur. Une peur atroce, qui lui déchire les entrailles. Peur des blouses blanches. Peur des piqûres qui donnent la mort. Peur des gens qui crient le mot ‘‘monstre’’. Peur d’être un monstre.

Il court sur deux pattes, comme on le lui a apprit. Des éclats de verre, restes de sa prison, scintillent sur son pelage. Mais ce n’est pas ça qui effraie en lui.

Il court et ne peut s’empêcher de penser. Oui, ils vont venir, oui, ils savent… Non, il ne faut pas qu’ils l’attrapent !

Il court.

Jusqu’au bout de sa peur, il court. 

Il dresse ses oreilles, des oreilles de loup. Il écoute, mais seul le silence lui répond. Le silence est son ami. Le silence trahit tous ceux qui veulent l’approcher. Le silence et la lune veillent sur lui. Ils ne pouvaient pas le protéger, dans sa prison. Trop de bruit, trop de lumières. Mais maintenant il est dehors. Et il n’est pas un monstre.

Et il refuse d’être un monstre.

Il court.

Le bruit de sa course se répercute dans le silence, en réponse à ses halètements de jeune chiot. Mais lui ne brise pas le silence. Il le caresse, il l’apprivoise. Comme il aurait voulut être caressé et apprivoisé.

Mais personne n’apprivoise les Garous.

Il court.

Jusqu’au bout du silence, il court.

On pourrait dire qu’il erre, mais il va trop vite. Il faut du temps pour errer. Le temps n’appartient pas aux âmes en peine. Le temps appartient aux Autres. Aux blouses blanches, qui l’avalent, le nomme et le décortique. Et à tous ceux du Dehors.

Il est dehors, mais il va trop vite. A peine a-t-on le temps de voir une ombre que l’ombre s’est évanouie. Ce n’est pas comme ça qu’on erre. Et puisqu’il ne peut pas courir en errant, alors il court en fuyant. De toute façon, il court. Il court pour que jamais on ne le rattrape. Il court après ses rêve. Il fuit devant ses cauchemars.

Il court.

Jusqu’au bout de sa vie, il court.

Il saute des tas métallique qui lui barrent le passage. Pauvres obstacles, à peine entrevus ils sont déjà oubliés. Il évite la lumière. Terrible frontière, qui marque le passage de son monde à celui des Autres.

Dans son monde, il n’y a que lui. Il n’y a qu’un seul Garou. Il n’y a qu’une seule Lune.

Il s’arrête et d’un sourire salut la lune.

La lune lui dit de repartir.

Il repart.

Il court.

Il sait.

Il n’y a pas d’autres ailleurs qu’ici. Il n’y a pas d’autres moments que maintenant. Son monde s’arrête au bord de sa fourrure. Dans son monde, il a y a la peur. La peur et une terrible envie d’autre chose.

Derrière la  grille, il y a une prison. Une prison de verre, comme toutes les prisons. Un autre morceau de son monde. Mais il est si petit, jamais il ne sortira.

Mais les Garous aident les Garous.

Il attrape le grillage entre ses pattes. Des pattes avec des doigts, des mains avec des griffes, il ne sait pas. Il attrape le grillage et le tord comme du carton. Il le broie, il le déchire. Il brise la vitre. La vitre hurle sa douleur et pleure des larmes de verre. Mais il s’en moque. Il tient la peluche entre ses mains, entre ses pattes, peut importe puisque son petit frère est en sécurité dans ses bras. Il sourit à la lune. Tu vois ma fée, ma déesse, tu vois. J’ai une famille.

Il sourit.

Mais le cris de la vitre brise le silence. Elle hurle sa douleur, la perte de son enfant, et de tous les autres enfants qui jonchent à présent le sol, des lapins, des chats, des pieuvres, des perroquets, des chiens, des monstres et même des hommes, des tous petits hommes tout doux, des hommes avec des ailes et une fourrure.

Il a peur. Il a mal. Il doit sauver son petit frère.

Il court.

Jusqu’au bout de la ville, il court.

Il entend les bruits qui brisent le silence. Il voit le soleil qui efface la lune. Il est seul.

Il sera toujours seul.

Il est un Garou.

Les blouses blanches l’entourent. Elles sortent de machines de fer. Il sait depuis toujours que les machines donnent la mort. Que la Mort est une machine. Cette machine dont il rêve, parfois, qui lui a donné la vie et qui un jour le reprendra.

Il a peur.

La Lune a disparu, effacée par les lampes et le soleil. Le silence a disparu, effacé pas le cris des hommes et les claquements des machine. Dans ses bras, il n’y a plus que son petit frère…

Mais il sait que ce n’est pas son frère. Il sait que ce n’est qu’un leurre. Il sait que la Mort a créé d’autres garous. Il sait qu’elle les a tous repris. Il sait qu’il va mourir.

Ils ont des armes, des seringues, des fusils. Ils n’osent pas s’approcher. Il leur fait peur. Il est très effrayant. Il est un monstre.

Un Autre se jette sur lui. Et c’est l’assaut. L’hallali. Il ne peut pas les repousser. Il en a la force. Il n’en a pas l’envie. Il sait que ça ne servira à rien. Il les connaît bien. Après tout, c’est sa famille…

Dans un dernier sursaut de conscience et de désespoir, il jette sa tête un arrière et chante un long, un terrible hurlement de loup.

Le dernier hurlement du dernier Garou.

Le jour est levé. Le silence est brisé par le bruit de la route. La petite fille marche sur le trottoir. Elle voit les traces de sang, entourant un petite peluche de loup-garou. Elle regarde autour d’elle. Personne. Alors, subrepticement, elle ramasse le petit homme-loup, et le serre dans ses bras.

Il sera le plus efficace des protecteurs quand elle rêvera de Garous.

FIN 


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Commentaires
L
Inventé en 2002, en décorant le sapin de Noël. Je ne connais toujours pas le rapport. Je l'ai présenté au prix du Jeune Ecrivain 2003... pas marché.
Ecriveuse en herbe
  • Envoi d'histoires, textes, nouvelles, scénario de BD et tentative de roman que j'ai écrit. Plus elles sont bien, plus il y a d'étoiles après le titre. Bonne lecture ! (textes protégés donc demandez avant de les utiliser merci)
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