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Ecriveuse en herbe
2 décembre 2006

Babysittor et l’Enfant Monstrueux **

Babysittor et l’Enfant Monstrueux

Comptine pour enfants sages

Le soir, tremblez, gentils marmots ;

Cachez-vous sous les escabeaux

Enfermez-vous dans les placards,

Voilà l’Enfant Monstrueux qui viens vous voir.

Ne claquez pas des dents, gentils marmots,

Pour lui c’est un doux bruit de grelots

Si de ses longues oreilles il entend ça,

Dans votre cachette il vous trouvera.

Vous entendrez d’abord, gentils marmots

Son nez qui inspire, qui vous sent tout chauds

Qui se délecte de votre peur, calcule votre poids

Et vous trouve à croquer – un vrai met de roi.

Puis vous verrez ses griffes, gentils marmots,

Déchiqueter la couverture, l’escabeau

La porte du placard, celle du coffre-fort,

La faible protection que vous avez choisi à tort.

Et quand il vous prendra, gentils marmots,

Vous plongerez vos yeux dans les siens, si beaux :

Ses pupilles noires sur fond de sang

Paraissent danser comme des flammes, gentiment

Et quand il jouera avec vous, gentils marmots,

A ces jeux drôles et fascinants où l’ennui est de trop.

Vous resterez hypnotisés par ces iris rouges,

Dans lesquels, quand il est trop tard, les démons bougent.

Quand enfin le jour se lèvera, gentils marmots,

Vous pourrez, sans peur, sortir de vos Legos,

Emerger de vos placards, l’imaginer repus,
Il n’est pas venu cette nuit – il ne viendra plus.

Car le jour, comme vous, il doit se lever,

Aller à l’école, faire ses devoirs,

Et pour le surveiller, une femme est désignée,

Nouvelle tous les matins, dévorée tous les soirs.

Mais ce matin, la nounou n’est pas normale.

Apparue soudain, comme par hasard,

Elle n’a pas peur de ses griffes. Elle se la joue banale,

Mais plonge les yeux dans son terrifiant regard.

Derrière ses lunettes noires,

Qui jurent avec sa sobre discrétion

L’Enfant voit des choses qu’il ne peut croire,

Des yeux qui expliqueraient ses façons.

Elle ne frémit pas en entendant les hurlements,

Et ne parviennent à la faire trembler

Ni les grognements, ni les gémissements,

Mais le voir tout de boue taché.

Elle l’appelle Poupougnet.

Quand il la mord, violemment,

Elle le trouve tout mignonnet

Et lui casse toutes les dents.

Elle le serre dans ses bras graciles

Comme pour broyer un train.

Elle le lave, le coiffe et l’habille

Avec des tons pastels et des petits lapins.

L’Enfant Monstrueux de sa griffe leste

Veut lui arracher ce visage faux

Elle lui sourit avec ce qui reste

Et lui lime les griffes jusqu’à l’os.

Et cette nuit, quand il s’élance

Pour jouer avec ses amis les gentils marmots,

Elle préfère qu’il écoute l’histoire en silence

Et l’attrape, l’enchaîne et le musèle – plus un mot.

Ligoté à son lit, l’Enfant Monstrueux

Cauchemarde toute la nuit de petits lapins roses

De forêt enchantée, de méchants peureux,

Et de gentilles fées qui veillent sur les choses.

Ce matin, l’autre cauchemar le prend

Il est lavé, coiffé et habillé.

Il a caché une arme, mais elle le surprend

Et dans son bain manque de le noyer.

Même ses puissantes ailes

Ne peuvent lui permettre de s’enfuir :

Babysittor le fait tomber du ciel

Simplement en ajustant son tir.

Et à l’heure du thé, nouveau sermon,

Car elle invite ses amies – nouvelle torture.

Toutes en cœur hurlent « Qu’il est mignon ! »

Et viennent lui pincer les joues, bien sûr.

L’heure est grave, il le sait.

Babysittor aura bientôt sa peau.

Elle ne lui donne que des bonbons à manger

Et – horreur ! – il doit manger du gâteau.

Depuis le début, il a compris qui elle est.

Ce n’est pas dans les règles, c’est un dur sacrifice,

Mais pour se débarrasser de son ennemie jurée,

Il faut en passer par certains artifices…

Quand elle vient pour l’histoire, il est déjà en pyjama,

Celui bleu ciel, et sur la poche de cette chose

Sont brodés deux petits nounours de soie

Qui s’embrassent sur un cœur rose.

Il suce un bonbon, et ne le croque pas.

En une seconde il pourrait le broyer,

Ses puissantes mâchoires sont là pour ça,

Mais non, il le fait bien durer.

Elle s’assoit sur le lit, il se colle contre elle,

Sans chercher à la frapper, à l’étouffer, à l’étrangler,

Tendrement appuyé sur sa chemise en dentelles,

Il met son pouce propre dans sa bouche édentée.

Et quand, dans un sursaut d’horreur,

Babysittor se dégage de son emprise,

Il fait celui qui a peur

A cause de cette mauvaise surprise

Et pour l’achever définitivement,

Il lève vers elle les yeux les plus innocents

Les plus tendres, les plus charmants,

Qu’on ait inventé de mémoire d’enfant.

Ainsi la créature – quelle qu’elle soit

S’enfuit à toutes jambes, ou à toutes patinettes.

Difficile de dire à quoi

Elle pouvait bien ressembler sans lunettes.

Vous feriez mieux, gentils marmots, quand revient la nuit,

Retourner sous vos couettes et dans vos placards,

Parce qu’après sa brillante comédie

L’Enfant Monstrueux a faim – il restera tard.

Fin

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Commentaires
L
Ecrit début 2006, pour mon petit frère, à partir d'un jeu. Que voulez-vous, plus il grandit, plus c'est dur de lui foutre les jetons, et là ça l'a plutôt fait rigoler. Au début, je l'ai écrit sans rimes (mais en revenant bien à la ligne à chaque fois), puis j'ai changé certains mots pour faire des rimes : le résultat, maladroit, donne vraiment une impression de comptine.
Ecriveuse en herbe
  • Envoi d'histoires, textes, nouvelles, scénario de BD et tentative de roman que j'ai écrit. Plus elles sont bien, plus il y a d'étoiles après le titre. Bonne lecture ! (textes protégés donc demandez avant de les utiliser merci)
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